Souple comme un chat, Christophe Bruand saute du haut d’un tronc d’arbre de plus de deux mètres et atterrit sans trembler sur un autre massif bout de bois. « Ça fait un peu court ».

Le quadruple champion de France de trial est à pied ce matin dans le Palais des Sports de Marseille. C’est qu’il est aussi chef de chantier du parcours où rebondiront vendredi les huit pilotes sélectionnés par la Fédération Internationale de Moto.

« C’est de l’art »

Pierres, troncs d’arbres, bennes… Tous les éléments sont calés au millimètre près. Ici, un touret est posé en biais sur un container. Là, des pierres semblent jetées négligemment dans une piscine encore vide. Erreur.

« On a mis cinq heures à trouver la bonne solution, c’est de l’art », sourit Patrick Féraud, organisateur de la finale de ce championnat du monde. Il caresse de la main gauche un des blocs, dont un côté tourné vers le ciel semble découpé en diagonale. « Celle-là servira de tremplin », explique le guide. D’un doigt, il désigne une toute petite encoche dans la pierre. « C’est là qu’ils poseront la roue arrière ».

Chaque morceau de bois est orienté en fonction de ses aspérités. Accentuées ou gommés à la scie électrique si besoin. Chaque pierre est choisie en fonction de ses contours, mesurée, puis inclinée dans un sens précis. Celles de la piscine sont « naturelles ». Les autres sont des pierres d’Oppède, extraites des carrières vauclusiennes, plus légères et offrant une meilleure adhérence.

A l’extérieur du Palais de Sports, d’énormes buses de chantiers et tourets sont stockés, loués à des industriels du câble. Les troncs d’arbres ont fait le chemin depuis les Alpes de Haute-Provence. Une scierie les coupe sur-mesure pour Patrick Féraud. « Sauf celui-là, désigne en riant celui qui a 30 ans d’expérience dans les parcours de trial. C’est un platane du Palais qui était malade. »

Le Palais des Sport étayé pour l’occasion

Au total, près de 180 tonnes de matériau emplissent la salle qui recevait l’Open 13 fin février, déversés par 20 semi-remorques et manipulés par deux tractopelles, guidés par dix personnes. Perchée au premier étage, l’enceinte doit être soutenue par un étayage spécial pendant le X-Trial Indoor pour passer la résistance du sol de 600 kg/m², à 4 t/m².

On bouge du gros œuvre avec la précision d’un chirurgien. Le tractopelle joue les orfèvres, pose, tire puis repousse un tronc. Patrick Féraud, a rangé les gants pour quelques heures, mais pas le crayon. C’est lui qui a dessiné les « zones ».

« Je les dessine trois mois avant, explique le concepteur, mais à la fin de la soirée, j’imagine déjà le parcours de l’an prochain. » Qui doit idéalement être le parfait équilibre entre difficulté et impossibilité. « S’il y a une zone d’où personne ne sort, c’est pas bon, c’est qu’elle est ratée. Ça m’est arrivé l’an dernier, j’avais mal calculé la distance entre les éléments. »

Nouveauté 2016, les motards escaladeront des containers, empilés à plus de quatre mètres de haut, avant d’atterrir sur un groupe électrogène, offert par un des partenaires. « Ce n’est pas très technique ici, détaille le concepteur, mais il faut avoir le gros cœur. » Comprendre, avoir les tripes de hisser sa bécane d’un coup d’accélérateur. Après tout ce chantier, ce serait dommage de reculer.