SOCIETEL'impossible concertation sur la Plaine

Marseille: L'impossible concertation sur la Plaine

SOCIETEFaute de concertation, le projet d'aménagement de la Plaine rencontre toujours autant d'opposition...
Mickael Penverne

Mickael Penverne

Une empoignade… à cause de trois tables. La police municipale est intervenue de manière musclée ce vendredi sur la Plaine pour enlever trois tables en bois. Ces meubles avaient été installés - sans autorisation - à la fin de l’année dernière par les habitants du quartier pour « pique-niquer » aux abords du parc Yves-Montand. Ces tables étaient surtout le symbole de la résistance d’une partie des riverains contre le projet d’aménagement de la Plaine, mené par la mairie.

L’intervention des policiers municipaux a aussitôt entraîné un attroupement. Plusieurs habitants se sont agrippés aux tables pour tenter de les protéger. Les policiers municipaux ont alors usé de leurs bombes lacrymogènes pour tenter de les disperser. L’empoignade a duré quelques minutes, et il a fallu l’intervention de la police nationale et même des CRS pour ramener le calme. Trois personnes ont été interpellées.

C’était ce matin, à la plaine… les amoureux qui sont gazés sur les bancs publics, bancs publics, bancs publics… vous saluent !

Posté par El Kabaret Lam sur vendredi 18 mars 2016

C’était ce matin, à la plaine… les amoureux qui sont gazés sur les bancs publics, bancs publics, bancs publics… vous saluent !

Posté par El Kabaret Lam sur vendredi 18 mars 2016
El Kabaret Lam

C’était ce matin, à la plaine… les amoureux qui sont gazés sur les bancs publics, bancs publics, bancs publics… vous saluent !

Posté par El Kabaret Lam sur vendredi 18 mars 2016
vendredi 18 mars 2016

Pour les touristes

Depuis quelques mois, l’aménagement de la Plaine créé des crispations qui vont crescendo. Quatre scénarios sont envisagés, baptisés « La place investie », « la place jardin », « la place classique revisitée » et « les façades libérées ». Ils prévoient de réduire la place de la voiture et les places de stationnement, d’étendre les terrasses, d’aménager une piste cyclable, d’élargir les trottoirs, d’améliorer l’éclairage public mais aussi de réduire le nombre d’emplacement pour les forains du marché.

Il est ainsi question de faire « monter en gamme » la place Jean-Jaurès grâce notamment à un nouveau « marché qualitatif ». Selon une partie des riverains, ces projets cachent, sous couvert d’aménagement urbain, un objectif inavoué de gentrification du quartier. « Tout ça, c’est fait pour les touristes, pas pour les habitants », peste un des riverains, membre de l’Assemblée de la Plaine, un collectif d’opposants au projet de la Soleam.

Des habitants du quartier de la Plaine protestent contre le projet d'aménagement de la Plaine.
Des habitants du quartier de la Plaine protestent contre le projet d'aménagement de la Plaine. - Mickaël Penverne / 20 Minutes

De nouveaux experts

La plupart des riverains ne contestent pas la nécessité de rénover la place qui se trouve en mauvais état depuis des années. Ils dénoncent, en revanche, la « pseudo-concertation ». Pourtant, le projet d’aménagement n’en est qu’à ses débuts. La Soleam a sélectionné quatre équipes d’urbanistes chargés de faire des propositions. Le programme définitif n’est pas encore choisi, et le début des travaux n’est pas prévu avant l’automne 2017.

Pourtant, la méfiance entre ces riverains et la mairie semble s’être durablement installée. Selon Gérard Chénoz, adjoint au maire chargé des grands projets, plus de 600 personnes ont déjà été consultées sur ce projet. « Bien sûr, certains sont contre. Mais il y a toujours des gens contre, même s’ils n’ont pas vu le projet, lance-t-il. Par contre, quand on interroge la majorité silencieuse, elle nous demande quand nous allons commencer ».

Un problème culturel

Selon Juliette Rouchier, directrice de recherche en économie au CNRS, ce fossé entre les élus et les riverains est symptomatique de l’incapacité des premiers à organiser correctement la concertation. « C’est un problème culturel : on a des élites qui ont tendance à se méfier du peuple, explique-t-elle. Sauf qu’aujourd’hui, beaucoup de gens ont fait des masters ou des thèses. Ils se retrouvent dans des associations et développent, avec elles, des argumentaires très structurés ».

Selon la chercheuse, il existe une « demande sociale » de reconnaissance de la part des associations ou des riverains dont certains sont « de véritables experts ». Or, les élus (et l’Etat) ont souvent du mal à leur reconnaître cette qualité, ce qui conduit à des situations « de plus en plus enkystées » comme à Notre-Dame-des-Landes, Sievens ou, dans une moindre mesure, la Plaine. « Il faut pourtant le rappeler : il est toujours légitime de poser des questions », martèle-t-elle.

Faire retomber la pression

Juliette Rouchier milite pour une organisation exhaustive de la concertation : « Il faut s’interroger sur la représentation des associations ou des gens que l’on a en face de soi. Il faut intégrer ce que veulent les habitants, se fixer des objectifs puis réfléchir aux moyens, quitte à revenir ensuite sur les objectifs. Mais il faut arrêter de faire l’inverse ». Ce travail préparatoire est indispensable, souligne-t-elle, pour faire retomber la pression et la méfiance réciproque.

Vendredi, sur la Plaine, ce n’est pas vraiment le chemin qui a été pris. « C’était simplement des tables de pique-nique qui étaient très appréciées par les gens du quartier, assure un des « manifestants ». On les avait installées pour améliorer la vie du quartier et elles étaient utilisées matin et soir ». Mine de rien, la table est un symbole, ajoute Juliette Rouchier « C’est un lieu important qui représente la convivialité. C’est un lieu où l’on s’assoit, où l’on mange… et où l’on se rassemble ».