SOCIETEAgression antisémite à Marseille: «Ne rien mettre sur la tête serait une défaite de la République»

Agression antisémite à Marseille: «Ne rien mettre sur la tête serait une défaite de la République»

SOCIETELa communauté juive refuse de ne plus porter la kippa...
Mickael Penverne

Mickael Penverne

«On a reçu des tonnes de témoignage de solidarité. Hier, j’ai eu un coup de fil d’Algérie. Un monsieur qui m’a dit : "Je suis musulman et je vous soutiens, tenez bon". J’ai eu aussi une vieille dame qui habite dans le quartier des Baumettes et qui m’a dit qu’on ne devait pas abandonner la kippa. Elle m’a répété : "C’est une question de principe". » Dans son bureau du Consistoire israélite de Marseille, qui jouxte la Grande Synagogue, le téléphone d’Elie Berrebi n’arrête pas de sonner depuis mardi.

Le dernier coup de fil en date émane d’un responsable de la communauté kurde de Marseille qui souhaite organiser une rencontre avec ses homologues juifs pour apaiser les craintes et les tensions qui pourraient apparaître entre les deux communautés. « Mais j’ai aussi reçu un appel d’une dame, catholique, dont les enfants sont dans des écoles catholiques, et qui m’a dit qu’elle allait mettre la kipa en signe de solidarité, souffle le directeur administratif du Consistoire. Tous ces témoignages sont quand même très rassurants. »

La Grande Synagogue de Marseille - Mickaël Penverne/20 Minutes

En revanche, une chose chiffonne Elie Berrebi : la déclaration de son président, Zvi Ammar. Deux jours après l’agression à la machette d’un professeur de l’Institut franco-hébraïque par un adolescent radicalisé, ce dernier a conseillé aux juifs de Marseille « d’enlever la kippa dans cette période trouble, jusqu’à des jours meilleurs (…).Ça me fait très mal d’en arriver là, mais je ne veux pas qu’on meure parce qu’on avait une kippa sur la tête ».

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« C’était un bug, estime aujourd’hui Elie Berrebi. Mais je le comprends. Zvi Ammar est tous les jours en contact direct avec les familles, avec Monsieur Tout-le-monde, la base quoi. Il vit en connexion avec tous ces gens qui sont hyper inquiets de ce qui se passe en ce moment. C’est pour ça qu’il a dit cela. Mais c’était une erreur. Il aurait dû dire : enlever la kippa et remplacer là par autre chose ». De fait, beaucoup de juifs portent aujourd’hui une casquette dans la rue.

Comme ce père de famille rencontré non loin de la rue de Rome. « La kippa, je la porte mais elle est en dessous, explique-t-il en souriant. Ce n’est pas nouveau. Il y a dix ans déjà, lors de l’Intifada [la seconde commencée en 2000], je mettais déjà une casquette en fonction des quartiers que je traversais ». Lui aussi, le « militant républicain », comprend la déclaration de Zvi Ammar « mais il ne faut pas céder à la peur. Cela fait partie de notre identité». «Pour moi, ne rien mettre sur la tête serait une faillite de la République », affirme-t-il.

Le port de la kippa n’est pas obligatoire

Un peu plus loin, dans un magasin spécialisé, un homme fait le même constat - et les mêmes reproches : « Cette question n’a pas été bien réfléchie. Elle a été dite sous le coup de l’émotion. Il fallait nous dire de porter une casquette à la place. Il faut vivre comme d’habitude. Sinon la victime devient coupable, vous comprenez ? » D’habitude, cet homme porte une casquette mais aujourd’hui, il a mis sa kippa pour sortir. « On est dans une démocratie. C’est à l’État de faire le nécessaire pour nous protéger », martèle-t-il.

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Le port de la kippa n’est pas une obligation sauf dans une synagogue ou lors des prières avant les repas, rappelle d’ailleurs Elie Berrebi. « Mais par extrapolation, beaucoup de pratiquants la mettent tout le temps. Certains pour éviter de l’enlever et de la remettre à chaque fois. D’autres pour revendiquer des valeurs et des principes ». Du coup, c’est l’incompréhension, voire une certaine colère, qui domine au sein de la communauté juive de Marseille qui compte entre 60.000 et 70.000 membres. « Mes coreligionnaires s’insurgent et ils ont raison, opine le responsable du Consistoire. C’était une déclaration un peu défaitiste. »