Pourquoi la disparition des courses camarguaises menacerait l’écologie
SPORTS TAURINS•Ce sport local très populaire dans le sud-est, contribue au maintien de la biodiversité...Christine Laemmel
Les courses camarguaises, forme de corrida où le taureau n’est ni blessé ni tué, sont en danger. La Fédération Française de cette discipline sportive locale très appréciée (FFCC) accuse un déficit de 130.000 euros et envisage de déposer le bilan dans les prochains jours.
Un marché annuel de 22 millions d’euros
Si la cessation de paiement est officiellement prononcée, les 800 courses annuelles pourraient être annulées, au détriment direct des 3.000 licenciés de la FFCC. Eleveurs de taureaux (manadiers), raseteurs (ceux qui tentent d’enlever les attributs accrochés aux cornes des taureaux), commerçants installés autour des arènes pourraient être lésés. La disparition des courses camarguaises affecterait un marché annuel de 22 millions d’euros, selon les chiffres du Parc naturel régional de Camargue.
Des taureaux en Camargue en juillet 2015 - Vadim Balakin/REX Shutterstock
Avec ses 400 taureaux et 40 chevaux, Jacques Mailhan, éleveur à Arles, craint une diminution forcée de son cheptel. « Ce serait catastrophique », lâche sans hésiter le président des manadiers. Une partie des bêtes serait sans doute envoyée à l’abattoir, « le reste, je ne sais pas, vraiment ». Il envisagerait sans doute une reconversion dans la riziculture, malgré la crise sévissant dans le secteur, ou un virage vers l’élevage de bêtes domestiques.
Un taureau et un héron gardes-bœufs en Camargue, à Arles (Bouches-du-Rhône) - SUPERSTOCK/SUPERSTOCK/SIPA
« Les taureaux maintiennent l’écosystème »
Derrière le drame économique, le paysage de la Camargue pourrait être transformé. « Les taureaux maintiennent l’écosystème », assure l’éleveur. Sauvages, en extérieur toute l’année, les bêtes mangent dans les marais camarguais, et créent des « clairs » dans lesquels les oiseaux migrateurs viennent nicher. Sans eux, « joncs et tamaris vont prendre le dessus et étouffer le reste », redoute Jacques Mailhan. « Des milliers d’hectares ne seront plus pâturés, confirme Aurélien Jouvenel, chargé de mission auprès du Parc de Camargue. On le voit à petite échelle, les ronces poussent, le tissu végétal se referme et la biodiversité s’étiole. »
L’avenir de la « raço Di Bioù », le taureau camarguais, est quant à lui plus qu’incertain. « Si les courses n’existent plus, l’intérêt de la race diminue fortement, prédit Aurélien Juvenel. La Camargue, ça reste le cheval, le taureau et le flamant rose, si un des trois disparaît… », c’est plus qu’un sport local qui s’éteint.