«Le Livre des rois», la geste de l’Iran millénaire
THEATRE D'OMBRES•«Le Livre des rois» («Shâhnâmè» en persan), de Ferdowsi (vers 940- vers 1020), est une œuvre majeure de la littérature persane et constitue encore aujourd’hui un monument de l’histoire nationale iranienne…Mireille Fournaise
L'essentiel
- Pour sa saison 2018-2019, le musée du Quai Branly – Jacques Chirac propose «Shâhnâmè, une épopée persane» d’Hamid Rahmanian.
- Ce spectacle de théâtre d’ombres adapte «Le Livre des rois» de Ferdowsi.
- «Le Livre des rois» est une œuvre majeure de la culture persane, hier en Perse, aujourd’hui dans l’Iran contemporain.
L’œuvre que l’on trouve dans toutes les bibliothèques iraniennes. Pour sa saison 2018-2019, le musée du Quai Branly – Jacques Chirac présente en décembre Shâhnâmè, une épopée persane. Dans ce spectacle, l’illustrateur et réalisateur iranien Hamid Rahmanian retrace les aventures de Zal et Roudabeh. Une histoire d’amour interdite, tout droit tirée de la plus célèbre des œuvres iraniennes : Le Livre des rois (Shâhnâmè en persan) du poète persan Ferdowsi (vers 940-vers 1020).
« Cette épopée composée de plus de 50 000 distiques, soit 100 000 vers, a servi de modèle pour fixer les légendes et l’histoire de la Perse ancienne ainsi que l’état de la langue persane », explique Leili Anvar, maîtresse de conférences en langue et littérature persane à l’Institut national des langues et civilisations orientales (Inalco).
Une réaction à l’hégémonie arabe
Pour comprendre pourquoi, il faut replacer l’œuvre dans son contexte. « Au VIIIe siècle, un mouvement contestataire est lancé par les Persans en réaction à l’hégémonie des conquérants arabes sur leur peuple, raconte l’historien Alireza Manaf-Zadeh. A cette époque, les Arabes se considèrent comme supérieur aux Perses. Ils les appellent par exemple “les bègues”, car ces derniers ne parlent pas la langue du prophète [Mahomet]. L’objectif du mouvement baptisé Shu’ubiyya, est la sauvegarde et l’épanouissement de la culture persane. »
L’écriture du volume, achevée deux siècles plus tard en 1010, est le fruit de la Shu’ubiyya. « Le poète a le sentiment que l’invasion arabe a fait s’écrouler l’Iran ancien, explique Leili Anvar. A travers ses écrits, c’est tout un monde que le poète fait revivre. »
Une œuvre connue de tous les Iraniens
Shâhnâmè est aussi un livre ouvert au monde, selon Leili Anvar. « C’est une longue méditation sur la justesse et la justice. Comment l’appliquer lorsque l’on est un roi, un héros, un père ou un fils. Dans les légendes, les héros apprennent à combattre des monstres, mais aussi leur part d’ombre. De nombreuses questions philosophiques et tous les aspects de la vie humaine sont abordés. »
Cette œuvre majeure est connue de tous les Iraniens. « Même ceux qui ne savent pas lire le connaissent et savent en réciter des vers, assure la maîtresse de conférences à l’Inalco. Jusqu’aux années 1960-1970, c’était une grande tradition de réciter et de raconter dans les cafés certains passages du livre. » Toujours étudié à l’école, Shâhnâmè est une œuvre intemporelle qui n’est pas près de prendre la poussière.