De l’art d’être cru dans les séries américaines

De l’art d’être cru dans les séries américaines

Rédaction 20 Minutes

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DÉCRYPTAGE – Contre la moindre mini-jupe portée, les Américains ont pourtant le petit écran le plus sexualisé de la planète. Pourquoi alors les Etats-Unis sont-ils bien plus prudes que leurs séries?

Le sexe est à True Blood ce que la drogue est à Breaking Bad: omniprésent. Ces dernières années, la sexualité a envahi les programmes malgré une répétition conservatrice des Etats-Unis. Pour Albert Barbaro, médecin sexologue à Nice, cette contradiction vient d’une nécessité «d’être racoleur aujourd’hui dans un modèle [de construction des séries] parfois répétitif».

Après l’hyper violence et le gore, la mode serait au sexe. Mais attention, pas n’importe lequel: «Sous une forme assez trash, il y a un côté immoral et transgressif dans cette représentation», ajoute le médecin. Inceste dans Game of Thrones, relation avec des patients dans Nip/Tuck... Le sexe sensuel à la Sex and The City semble loin. Pour le sexologue: «Ces comportements provocateurs aux antipodes d’une sexualité routinière malmènent les bases de la morale.»

Une économie et une juridiction particulière

Où sont alors les défenseurs de cette sacro-sainte morale américaine? «Comme Canal + l’est avec les films pornographiques du samedi soir, beaucoup des chaînes qui diffusent ce type de séries sont privées et payantes», explique Albert Barbaro. Le public déçu des sitcoms classiques y trouverait ainsi son compte. Selon Séverine Barthes, maître de conférences en médiation culturelle à la Sorbonne nouvelle, ce n’est pas vraiment une contradiction entre l'image des Américains et la crudité de leurs séries, mais un contexte de production: «Le câble doit attirer les spectateurs désabusés.»

La dimension économique n’est pas la seule à inciter les chaînes du câble au recours fréquent des scènes sexy. «Les chaînes publiques  sont soumis à la loi anti-indécence, ils ne peuvent pas utiliser de vocabulaire grossier ou des scènes de nudité», rappelle Séverine Barthes, auteure d’une thèse sur les séries. Les chaînes du câble profitent ainsi de ce vide juridique et ne sont soumises qu’à la loi contre la pornographie, moins restrictive. Séverine Barthes voit dans ces deux éléments la possibilité pour ces chaînes payantes de construire «une image différente et de justifier un prix élevé».

Une image inversée

Et si la loi oblige les Américains à une certaine pudeur dans les productions de fiction, elle est souvent plus permissive dans la réalité. «Les séries représentent la société, note la maître de conférence. Dans la vie, les américains sont plus ouverts qu'on le pense malgré une frange conservatrice [très médiatisée].» Ils sembleraient ainsi pas si éloignés de l'image plus libérée dont bénéficient les Français.

Dans l'Hexagone, ce genre de séries est principalement diffusé par Canal +, chaîne cryptée. Selon Albert Barbaro, «nous recherchons plus un scénario, un érotisme suggéré et nous avons une tendance à intellectualiser les fictions». Le processus d’industrie de création diffère également: «Héritiers de la Nouvelle Vague, les auteurs français ont davantage d'importance», conclut Séverine Barthes.

Colette Dupuis

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