CONSOMMATIONLe «100% Made in France» se fait entendre au Salon de l'agriculture

Le «100% Made in France» se fait entendre au Salon de l'agriculture

CONSOMMATIONUne part de plus en plus élevée d'agriculteurs affiche sa volonté de vendre des produits locaux élevés et transformés en France. Ils doivent cependant composer avec certaines marques et des distributeurs qui brouillent les pistes sur l’origine des produits
W.B.

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Impossible de les manquer. Sur les frontons des différents stands du Salon International de l'agriculture, les labels Appellation d’origine protégée (AOP), Viandes de France et Indication géographique protégée (IGP) sont affichés en caractère grand et gras. Ces labels, qui font partie du quotidien des Français, garantissent que les produits vendus ont été transformés et élaborés dans une zone géographique bien déterminée.

Produire 100% français, un choix difficile mais assumé

Et pour les agriculteurs présents à l'édition 2022 du Salon de l’agriculture, il est important d'être clair sur l’origine de sa production : « J'ai fait le choix de faire transformer mes produits par une coopérative en France afin d'être certain du voyage de mes animaux. Les produits sont ensuite vendus en France et c'est un aspect que je mets en valeur, dans les salons et auprès de mes clients. C'est important que les gens sachent ce qu'ils achètent et qu'ils comprennent la provenance de leurs achats », explique Patrice Haucomte, propriétaire d'une exploitation de 180 hectares en Haute-Vienne.

En France, à l’exception de certains produits alimentaires, comme les fruits et légumes, la viande et le lait, le marquage de l'origine n'est généralement pas obligatoire. Pour les produits importés de l’étranger ou élevés en France mais fabriqués ailleurs, la législation française permet aux marques et aux distributeurs de mentionner l’origine du produit (exemple : Union Européenne) mais pas son lieu exact de fabrication. Ainsi, par exemple, une viande élevée en France mais transformée au Brésil peut simultanément comporter les mentions « élevé en France » et « fabriqué au Brésil ». À l’heure où le Made in France constitue un véritable argument de vente, les agriculteurs souhaitent plus de clarifications dans les étiquetages de produits.

Distinguer le bon grain de l’ivraie

Pour Hervé Duprat, il n’y a pas d’ambiguïté possible. Sur son stand violet, accompagné de sa femme, de sa famille et de ses vaches gasconnes, l’agriculteur vient au Salon pour « mettre en avant la qualité de [ses] produits. Tout est fait maison ici et je vends tout moi-même », sourit-il. Cet exploitant dans le Gers et dans les Pyrénées, regrette certains comportements des marques et des distributeurs sur la question de la traçabilité et ne souhaite pas être « mis dans le même sac que celles et ceux qui font du mal aux agriculteurs ». « On mêle une viande qui a été élevée en France avec d'autres produits low-cost d'élevage intensif brésilien ou mexicain bourré aux antibiotiques. Même si c'est spécifié, l'étiquette Made in France brouille les pistes. Quand on ne lit pas entre les petites lignes, on n'arrive pas à comprendre », raconte-t-il.

Un manque de clarté que souhaite également dénoncer Mickael Guilloux, éleveur en Mayenne et membre de la Fédération départementale des syndicats d'exploitants agricoles (FDSEA) de sa région. Avec d'autres agriculteurs, il s'était rendu dans un supermarché Leclerc de Saint-Berthevin, en Mayenne. Le groupe venait dénoncer la vente de mini-saucissons comportant la mention « Fabriqués en France », avec une « traçabilité totale », et une carte de la France pointant une provenance du Sud-Est. Le message laisse à penser que la viande a totalement été produite en France. Néanmoins, la ligne suivante indique que le porc utilisé dans le produit est « d'origine UE », ce qui veut dire que le produit a été transformé avec d’autres viandes de n'importe quel pays de l'Union Européenne.

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L'action a été relayée par l'association de consommateurs UFC-Que-choisir. Si le procédé n'est pas illégal, il soulève des enjeux de clarté et de compréhension des étiquettes pour le consommateur. « Les industriels jouent avec les mots et les couleurs pour faire miroiter aux clients un produit totalement français alors que ce dernier ne l’est pas intégralement. Nous avons également fait face à des marques qui utilisent des étiquettes “viande française” pour liquider des stocks. Mais ce sont des situations de plus en plus rares », livre-t-il pour 20 Minutes.

D'après François Frette, responsable de la section ovine de l'Association nationale interprofessionnelle du bétail et des viandes (Interbev), ces cas de figure ne sont pas étonnants : « Mentionner simplement “origine UE”, c'est beaucoup moins d'informations portées à la connaissance du consommateur et c'est extrêmement flou. La France a mis en place un processus de traçabilité très transparent mais elle fait partie d'un marché commun où tout le monde n'est pas au même niveau », analyse-t-il.

Opter pour des solutions alternatives

Alors, pour garantir des produits 100 % français à ses clients, Hervé Duprat retrousse ses manches : « J'essaie de vendre le maximum de mes viandes dans ma boucherie. On a sauté le pas, il y a deux ans, en partie à cause de ces histoires de mélanges avec des provenances étrangères. Nos clients nous font confiance. Ils savent d'où viennent leurs produits. Du producteur au consommateur, on ne peut pas faire mieux comme traçabilité », détaille l'homme.

Un constat partagé par Jérôme Thiébaud, exploitants de vaches laitières et de porcs. Venu de Bretagne, il présente aux visiteurs du Salon son activité de transformateur de viande porcine. Avec ses quatre associés, Jérôme Thiébaud élève ses propres porcs, les fait abattre par un tiers à 20 km de sa terre, pour ensuite les transformer lui-même en produits finis dans son laboratoire. « Je vends ensuite du saucisson, des terrines et du jambon dans ma propre boutique ou dans des coopératives partenaires. Avec ce laboratoire, on se passe des intermédiaires qui prennent des marges confortables et incorporent des viandes d'origine étrangère dans nos produits », raconte-t-il. Une méthode qui lui permet également de « gagner la confiance totale » de ces consommateurs. « Pour être sûr de l'origine des produits, il vaut mieux se tourner vers des circuits courts », abonde Jérôme.

Mettre le paquet sur l'origine des produits permet de s'attirer une clientèle attachée à la consommation locale. D'après un sondage datant de 2019 et mené par l'observatoire Cetelem de la consommation, 83% des Français disent privilégier « systématiquement » ou « souvent » les produits fabriqués en France lors de leur achat. Le tout Made In France est-il le nouveau salut du monde agricole ? D'une partie en tout cas, c'est assuré.