INTERVIEW«Aucune enquête sur les stupéfiants ne peut être organisée sans les nouvelles technologies»

«Aucune enquête sur les stupéfiants ne peut être organisée sans les nouvelles technologies»

INTERVIEWLe commissaire au service central des stupéfiants de la Police Fédérale belge estime que la lutte contre les trafiquants de drogue passe forcément par l'utilisation de moyens high-tech modernes.
Petunia James

Petunia James

Le commissaire au service central des stupéfiants de la Police Fédérale belge à Bruxelles, Michel Bruneau, est formel: «Aujourd’hui, aucune enquête ne peut être organisée puis développée sans intégrer le volet ‘nouvelles technologies’. Cela inclut, notamment, l’examen des médias sociaux pour cibler le profil et le parcours informatique des criminels».

Le développement foudroyant d’Internet ces 15 dernières années a-t-il modifié les habitudes policières dans la traque aux criminels de la drogue?


Oui, on peut clairement dire que cet outil a pris une place très importante. D’une part parce que le commerce des substances dites ‘classiques’ comme le cannabis, la cocaïne et l’héroïne s’est accru sur le Web. Les échanges se font de plus en plus par voie postale. En Belgique, c’est amplifié par le phénomène particulier du tourisme de la drogue et des restrictions mises en place par les néerlandais dans les coffee shop. Les clients y ayant moins accès, ils se sont mis à commander beaucoup plus sur Internet. D’autre part, on a constaté une nouvelle tendance: de nouvelles substances psycho actives qui sont en fait des produits chimiques destinés à imiter les produits classiques et leurs effets ont fait leur apparition. Les matières premières sont importées de Chine puis manufacturées en Europe et leur commerce est quasiment exclusivement opéré sur le Net.

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Mais ce n’est que la partie émergée de l’iceberg… Vous devez également faire face au darknet, n’est-ce-pas?

Effectivement, c’est une nouvelle donnée que l’on doit prendre en compte. Nous collaborons régulièrement avec les autorités américaines comme le FBI sur ce sujet. La place de la cybercriminalité aujourd’hui est telle que la sécurité informatique est devenue un enjeu majeur pour les services de police, en tous cas en Belgique. Entre autorités nous échangeons des informations, les néerlandaises nous ont déjà informés de l’existence de certaines applications pour smartphone dont les criminels se servent par exemple.

Sont-elles réellement utiles dans votre lutte contre les drogues illicites?

Il y a des applications pour tout le monde, c’est un business. Aussi certaines personnes en développent dans des buts moins louables que reconnaitre une musique par exemple. Les criminels sautent sur ce genre d’occasions. Je ne peux pas vous dire si l’on suit des applications particulières. Mais il en existe qui servent à contrecarrer l’action policière. En examinant le smartphone d’un criminel, on peut y trouver des applications transversales qui ont plusieurs fonctionnalités qui visent à nous embêter: nettoyage de l’activité de l’appareil, détection d’une surveillance de celui-ci, etc.

Finalement, le développement des nouvelles technologies et du Web n’est pas si avantageux dans votre travail?

Ça a complexifié les enquêtes et ça demande plus de moyens pour obtenir des résultats. Voilà pour les points négatifs. Mais si l’on se penche sur le côté positif, nous avons désormais plus de possibilités pour détecter ou se renseigner sur des personnes. Mais aussi pour mettre en lumière les relations interpersonnelles entre criminels car tous les trafiquants, quel que soit leur niveau, font notamment usage des réseaux sociaux... Ils procèdent également à des attaques informatiques sur certains systèmes d’autorités pour le trafic. Ce hacking est à double tranchant pour eux car s’il est détecté cela nous permet de remonter la filière plus rapidement. Internet est devenu quasiment indispensable dans les enquêtes que nous menons aujourd’hui.

Pour autant, vous n’avez pas abandonné les méthodes «traditionnelles»?

Non. Il n’y a pas d’abandon d’usage d’indicateurs, de filatures ou de traçage des télécommunications. Les méthodes sont diverses selon la manière dont nous avons obtenu l’information qui permet de s’engager dans une enquête. Ce qui est certain, c’est qu’en matière de stupéfiants, il y a toujours un moment où le criminel doit communiquer c’est la détection de cette communication qui permet de se faire une image claire du trafic afin d’intervenir.

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