USAGESPlanifier sa mort numérique, pas si farfelu en 2020

Planifier sa mort numérique, pas si farfelu en 2020

USAGESQuelle vie après la mort sur les réseaux sociaux, les moteurs de recherche et autres serveurs de données ? Vos témoignages nous ont permis de poser la question à un expert
La mort, et si on en parlait?
Camille Poher

Camille Poher

A l’occasion de l’émission « La mort, si on en parlait ? » organisée par la Maif et le Groupe VYV, 20 Minutes lance une série d’articles sur le thème de la mort numérique. L’occasion pour nous de vous poser quelques questions sur ce sujet aussi large que tabou. Au programme cette semaine, la gestion de nos données numérique post-mortem. Une thématique sur laquelle nous a sollicités Christophe qui se demande « quelle solution pourrait être mise en place pour simplifier l’effacement de nos données sur la toile ? ». Mais aussi un sujet douloureux pour la famille de Martin qui a disparu il y a 5 ans et a laissé derrière lui de nombreuses œuvres artistiques, sur Tumblr notamment. Ou encore un questionnement pour Luc, qui cumule près de 15 ans de sketch sur YouTube et qui a peur de voir tout son travail disparaître après sa mort.

Autant de questions qui soulèvent l’épineux sujet de la trace que l’on souhaite laisser sur Internet. Car entre respect du droit des personnes défuntes, prévention des conflits entre les proches ou encore coût du stockage de données, les enjeux de la mort numérique sont nombreux. Alors faut-il réellement planifier notre après 2.0 ?

Des données qui nous survivent

Pour maître Henri de la Motte Rouge du cabinet Touati La Motte Rouge avocat, spécialisé dans les domaines des technologies, de l’informatique de l’innovation, du digital, et d’Internet, c’est un grand oui. « La croissance des données personnelles produites en lignes est exponentielle et à ce titre, il faut prévoir ce qu’elles deviendront après notre disparition. » Des données personnelles qui, ajoutées les unes aux autres, tout au long de notre vie constituent notre « identité numérique. Un terme défini par la Cnil (Commission nationale de l’informatique et des libertés) comme « l’ensemble des informations en ligne relatives à une personne, fournies intentionnellement ou non ». Car oui, toutes vos traces Internet ne sont pas forcément laissées volontairement : votre compte Instagram, votre profil Spotify sont évidemment de votre chef, mais pensez, par exemple, à l’ensemble de vos requêtes Google…. Vous suivez ?

a

Vous détenez donc une « identité numérique », que vous le souhaitiez ou non, et qu’il s’agit de faire vivre ou mourir digitalement au moment de votre propre disparition. C’est à cet instant qu’intervient « l’héritier numérique ». En effet, depuis le 7 octobre 2016 et la création de la LPRN (loi pour une République numérique), la personne morale ou physique qui prend en charge votre après sur la toile s’inscrit dans un cadre légal. « C’est cette loi qui permet d’organiser, de son vivant, la gestion de ses données personnelles, après sa mort, en constituant notamment un testament numérique », explique maître Henri de la Motte Rouge. Ce document, à l’instar de son homologue plus classique, « s’effectue directement chez un notaire dans le cadre de la désignation d’une personne physique comme étant son héritier numérique », ajoute le professionnel.

Les Gafam prennent certaines dispositions

De leur côté, certains géants des réseaux sociaux ont aussi bien compris cet enjeu. Facebook, par exemple, propose aujourd’hui de désigner un tiers, responsable à votre mort, de la poursuite de votre compte. LinkedIn, quant à lui, propose de supprimer pour vous le profil d’un adhérent décédé. Tout autant d’actions qu’il est légalement indispensable d’organiser de son vivant sans quoi elles seraient quasiment impossibles après votre mort.



Quasiment, car en l’absence de directives il reste tout de même à vos proches quelques recours pour honorer votre mémoire digitale. En effet, comme nous l’explique maître Henri de La Motte Rouge, « l’ensemble des données s’apparentant à des “souvenirs” de famille sont légalement transmissibles aux héritiers ». De plus, un héritier – même non numérique – peut « imposer la clôture ou la cessation de l’activité du compte, d’un membre de sa famille décédé ». Alors que chaque jour, près de 8.000 personnes inscrites sur Facebook décèdent dans le monde selon la Cnil, la question du patrimoine numérique d’aujourd’hui deviendra peut-être l’un des grands enjeux de demain.

Encart Maif – 20 Minutes
Infogram