Une cuisine qu'on mange toute crue
cuisson•Les aliments crus se réinventent et s'invitent de plus en plus dans nos assiettes...Petunia James
Toucher le moins possible aux aliments qu’on consomme est devenu un véritable sport. Et à l’heure où la Conférence des Nations unies sur les changements climatiques à Paris (COP 21) approche, les adeptes du crudivorisme se réveillent. «Consommer des aliments crus, au plus près de ce qu’ils sont dans l’état de nature, c’est retrouver une espèce d’instinct du corps… Etre à l’écoute de ce qu’il nous dit», explique Jean-Pierre Poulain, sociologue de l’alimentation et auteur du Dictionnaire des Cultures Alimentaires (éd. Puf). L’envie de manger de bons produits, sains et légers, n’est pas étrangère à cet engouement pour le cru; mais elle n’en est néanmoins pas le moteur.
Gastronomie sous influence
«La vague du sushi a sérieusement marqué le pas vers le cru. En France, le cuisinier est quelqu’un qui cuit, qui maîtrise le feu et l’art des cuissons. Au Japon, la façon de désigner le cuisinier veut dire ‘’celui qui a l’art de manier le couteau‘’», raconte le sociologue. Les Japonais nous on montré la voie sophistiquée du travail du cru et aujourd’hui, il est partout.
Le poisson se travaille en ceviche à la carte du bistro L’Absinthe, estampillé Rostang. Les tartares ne sont plus seulement réservés au bœuf ou au veau, mais aussi au saumon et à la dorade comme chez Cuisine Attitude, l’atelier du chef Cyril Lignac. «Les chefs, notamment la jeune génération, se sont emparés du cru. Cette tendance, apparue en 2012, apporte des choses novatrices dans la cuisine», informe Julie Mathieu, rédactrice en chef du magazine Fou de Cuisine.
Bon pour la santé?
Loin d’être un phénomène de niche, le cru ne se trouve pas seulement au restaurant. Il est aussi dans les jus de fruits et de légumes pressés à froid, commercialisés par Yumi ou Nubio par exemple, qui se consomment souvent en cure bien-être. Les adeptes du tout cru vous le diront: sans la cuisson, les aliments ne sont pas dénaturés et ne perdent pas en vitamines ou en minéraux. Néanmoins, le cru représente certains risques «toxicologiques, surtout en ce qui concerne les viandes ou les poissons. La cuisson élimine les bactéries et les virus. En mangeant cru on peut s’exposer à une toxoplasmose, notamment chez la femme enceinte», note Mathilde Touvier, chercheuse en épidémiologie de la nutrition à l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm).