La véritable histoire d'Amonèt, déesse dont est inspirée La Momie
égyptologie•Dans l'un des mythes d'Egypte antique, elle était considérée comme l'une des divinités créatrices du monde...Thierry Weber
«Il y a une ressemblance phonétique, mais est-ce qu’il y a un véritable lien?» Dans le film La Momie qui doit sortir en salle le 14 juin, Sofia Boutella incarne la princesse Ahmanet, la momie du titre, personnage qui aurait été librement inspiré de la déesse Amonèt. On dit «aurait», parce que d’après Thomas Gamelin, docteur en égyptologie à l’université de Lille 3, la princesse du film serait plutôt à rapprocher du pharaon Hatchepsout, l’une des seules femmes à avoir tenu le pouvoir en Egypte ancienne. Eh oui, à l’époque «on ne peut pas avoir le pouvoir quand on est une femme», explique Thomas Gamelin. Bravo le féminisme!
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Ce qui vaut pour leurs pharaons vaut aussi pour leur panthéon, équité zéro. «La divinité féminine est créée pour le dieu». Et Amonèt existe littéralement pour Amon. Si bien que les deux divinités ont un rôle similaire. «Amon est le grand dieu dynastique», chargé de guider les pharaons. «Amonèt va également être une déesse de la royauté, protectrice de la famille royale. Elle n’est pas juste là pour faire joli.»
Mythes créateurs
Mais si Amonèt est importante, c’est aussi pour son appartenance à l’Ogdoade d’Hermopolis. «Chaque grande ville égyptienne a essayé d’imaginer comment le monde a pu être créé», explique Thomas Gamelin, qui en profite pour souligner le côté variable de la mythologie égyptienne. Dans la ville d’Hermopolis, le mythe créateur repose sur «l’Ogdoade, une compagnie de huit dieux et déesses, des parèdres [ou divinités associées, en général des couples] comme souvent, et qui sont des forces antérieures à la création», résume Nathalie Lienhard, ingénieure de recherche à Paris-Sorbonne et secrétaire générale de la Société française d’égyptologie (SFE). Amonèt est l’une d’entre elle, même si son rôle précis reste flou pour les égyptologues. C'est d'ailleurs dans son nom : au même titre que son compagnon, elle est «la cachée». Dans les récits, son action lors de la création se fond avec celle des autres dieux.
« L'Ogdoade d'Hermopolis est l'ensemble formé par les huit génies d'Hermopolis qui ont jailli des flots glacés : le... http://t.co/LL3zoR1kmy — thierry Lepersan (@thierryLepersan) 19 avril 2015 »
Avant la terre il y avait le Noun, «l’océan primordial», comme le définit Thomas Gamelin. C’est de lui qu’ont jaillies les divinités de l’Ogdoade, qui ont alors voulu créer le monde. «Il existe différentes versions. Dans l’une d’entre elles, Amonèt et les sept autres divinités couvent un œuf qui va éclore et donner le dieu soleil, le dieu Rê», explique le docteur en égyptologie. Dans une autre interprétation, «ils fécondent une fleur de lotus. Au centre de la fleur quand elle s’ouvre on voit un bouton doré. Les Egyptiens se sont dit qu’il ressemblait beaucoup au soleil», et le lotus dans le mythe devient donc le berceau du même Rê, assimilé au bouton doré.
Différents rôles, différentes représentations
Dans cette cosmogonie, ou mythologie racontant la création du monde, le rôle des huit dieux n’est pas nécessairement différencié. Mais on voit bien que l’histoire d’une Amonèt créatrice et protectrice des dynasties royales, n’a déjà rien à voir avec celle de la princesse Ahmanet, vengeresse et meurtrière.
« I identify spiritually with Princess Ahmanet pic.twitter.com/wDJrhP7r3R — Dr. Harlan Quinzel (@DrHarlanQuinzel) 24 mai 2017 »
Même au niveau de la représentation, il n’y a pas de point de comparaison entre la déesse et Sofia Boutella grimée en momie. «Dans l’Ogdoade d’Hermopolis, les femelles ont une tête de serpent», décrit Thomas Gamelin. Nathalie Lienhard évoque aussi une représentation avec «la couronne rouge», symbole de la basse Egypte, ainsi qu’«une robe fourreau assez moulante, très féminine», parfois nuancée par «une queue de taureau, caractère androgyne». Pour compléter cet attirail, la déesse est souvent représentée avec un sceptre. A l’inverse, dans le film La Momie, la princesse… On vous laisse juger.