Tardive mais tonitruante, la success story des séries TV françaises
Carton•«Dix pour cent», «Le Bureau des légendes», «Ad Vitam»… les séries françaises ont franchi un cap et attirent désormais réalisateurs et acteurs confirmés…Mireille Fournaise
L'essentiel
- Les séries françaises séduisent de plus en plus les téléspectateurs.
- La sortie d’une nouvelle ou première saison est un événement aussi bien médiatique qu’artistique.
- Les séries télévisées françaises attirent réalisateurs et acteurs de cinéma reconnus.
Fini le bonnet d’âne. En octobre dernier, Capitaine Marleau réunissait un nombre record de téléspectateurs pour France 3 : 7 238 000. Fin novembre, c’était Demain nous appartient sur TF1 qui battait son propre record d’audience en passant la barre des 4 millions de fans.
Des résultats qui traduisent l’intérêt grandissant du public pour les séries françaises. Car les autres productions tricolores ne sont pas en reste. Les sorties des nouvelles saisons du Bureau des Légendes sur Canal + et de Dix pour cent sur France 2 étaient très attendues. L’arrivée d' Ad Vitam sur Arte ou d’ Hippocrate sur Canal + aussi. Pour certains spécialistes, le phénomène montre l’entrée des feuilletons français dans la cour des grands.
Changement d’image
« La France a longtemps été le seul pays européen où les séries étrangères faisaient plus d’audience que les productions nationales. Le fait que les séries Canal + marchent bien à l’étranger a changé l’image de la série française dans la tête des gens », analyse Séverine Barthès, maître de conférences à la Sorbonne Nouvelle, spécialiste des séries télévisées. Et parmi les gens : les réalisateurs de cinéma.
« Aujourd’hui, les cinéastes n’ont plus de mépris pour la série. Cédric Klapisch a réalisé deux épisodes de la saison 1 de Dix pour cent et Thomas Cailley a fait pour Arte la série Ad Vitam, donne comme exemple Marjolaine Boutet, historienne spécialiste des séries télévisées. Les réalisateurs ne font plus de séries par défaut, mais parce qu’ils en perçoivent les avantages. Ainsi Thomas Lilti a décliné son film Hippocrate en série. Un format moins ramassé que le film, qui lui permet d’aborder le quotidien des médecins, de mettre en scène plus de personnages et de mieux creuser chacun d’entre eux. »
Réalisateurs et acteurs de renom
Un jeu scénaristique plus vaste et de grands réalisateurs qui attirent des acteurs de renom. Mathieu Kassovitz au cœur du Bureau des légendes, Gérard Depardieu et Benoît Magimel dans Marseille, Louise Bourgoin à l’affiche d’Hippocrate… Et lorsqu’il y a une guest list ou une tête d’affiche, le public allume son téléviseur. « Avant, en prime time il n’y avait que des séries américaines et parfois une série française, aujourd’hui c’est l’inverse », souligne Marjolaine Boutet.
Elles remplacent, mais ne copient pas, car les séries françaises ont leur identité propre et ne jalousent en rien leurs voisines d’outre-Atlantique selon l’auteure d’Un village français - une histoire de l’occupation Saisons 1 à 7. « En France, on a une approche beaucoup plus cinématographique avec un réalisateur qui supervise l’ensemble et travaille comme s’il faisait un gros film de six heures découpé ensuite en plusieurs parties. On est sur de la série d’auteur, des produits artisanaux, avec des scénarios originaux. C’est ce qui fait leur charme et leur spécificité. Il n’y a pas de grande tendance comme aux Etats-Unis où l’on se retrouve parfois à la rentrée avec des dizaines de séries sur l’univers médical. »
Mais comme tout petit nouveau, la série française doit encore progresser. « Nos productions restent très parisiennes, ou alors, quand ça se passe en province, on joue peu des spécificités de la région, remarque Séverine Barthès. Elles ne sont pas très représentatives des diversités sociales, raciales ou culturelles et montrent peu les problèmes que peuvent vivre beaucoup de personnes. On va par exemple voir des personnages avec un métier qui rapporte peu, vivre dans de très beaux appartements. » Les sagas françaises passent haut la main dans la classe supérieure, mais ne devront pas se reposer sur leurs acquis l’année prochaine.
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