travailLe travail au noir, l’ennemi des plateformes de jobbing

Le travail au noir, l’ennemi des plateformes de jobbing

travailLes plateformes de jobbing qui mettent en relation les particuliers luttent contre le travail au noir...
Adèle Bertier

Adèle Bertier

Qui n'a jamais rendu service service à un voisin en échange de quelques billets? Le travail au noir ne date pas d’hier mais est remis au goût du jour à l’heure du jobbing. Allo Voisins, YoupiJob, Stootie, Frizbiz, Jemepropose… Alors que ces sites de mise en relation de particuliers n’étaient qu’une demi-douzaine en France en 2012, de nouvelles plateformes ne cessent de voir le jour.

>>> A lire aussi: Les sites à connaître en matière de jobbing


Toutes promettent la même chose: permettre à quiconque de trouver facilement un «voisin» pour tailler une haie ou réparer sa douche, et assurer aux prestataires de services un joli complément de revenus. Pour les sites, qui prélèvent une commission sur les transactions, le défi est donc de fidéliser leurs utilisateurs tentés par le travail au noir.

YoupiJob compte plus de 2.000 jobeurs actifs. Crédit: Capture d'écran YoupiJob

«On lutte contre 100 ans de mauvaises pratiques», lance Bertrand Tournier, le fondateur de YoupiJob. Ce site de référence en matière de jobbing comptabilise plus de 2.000 «jobeurs» actifs qui gagnent en moyenne entre 250 et 300€ par mois.

La question du travail au noir lui est plus que familière. «Il y aura toujours des gens qui passeront du main à main, on ne va rien révolutionner», avoue-t-il.

«Tout ça pour une dizaine d’euros économisés dans le mois»

Alors plutôt que de parler de pratique interdite par la loi «parce que ça ne parle pas aux gens», Bertrand Tournier et son équipe tentent de convaincre les utilisateurs qu’ils ont tout intérêt à payer cette commission de 3% quand ils font appel à un prestataire de service via la plateforme. «Tous les services entre particuliers sont assurées par Axa. L’assurance couvre les éventuelles casses, accidents corporels et matériels, détaille Bertrand Tournier. Ceux qui décident de travailler au noir prennent des risques inconsidérés, tout ça pour une dizaine d’euros économisés dans le mois… Ça ne vaut vraiment pas le coup».

«  Découvrez mon profil jobeur sur YoupiJob : https://t.co/VRehoPTDvL #jobeur #jobbing — juste pasca (@JustePasca) 30 octobre 2017 »


Malgré les informations sur les sites de jobbing et les rappels par mails pour ne pas céder à la tentation du black, beaucoup de ces «travailleurs de l’économie collaborative» font glisser les billets sous le manteau. Claude*, 59 ans, assure des travaux d’entretien d’espaces verts de particuliers depuis deux ans. Il gagne facilement 200€ dans le mois, en plus de son salaire de fonctionnaire.

Après s’être constitué un petit portefeuille de clients dont il a gagné la confiance pour des prestations régulières, Claude a arrêté de fréquenter le site de jobbing similaire à YoupiJob. «On fonctionne à la confiance avec mes clients. Je rends toujours une première visite pour discuter, voir ce que veut la personne.» Avec des prestations à 15€ de l’heure, contre 25 à 45€ pour un professionnel, Claude n’a eu aucun mal à attirer ses «voisins».

Une législation en perpétuelle évolution

Le travail au noir est pour lui «un moyen d’éviter d’être taxé». S'il est difficile de s’y retrouver avec une législation en perpétuelle évolution, la loi est claire sur un point: Il faut déclarer ses revenus dès le premier euro perçu. Rien n’est inscrit dans le marbre en revanche au sujet de l’imposition. Le Sénat a proposé en mars 2017 un plafond 3.000€ par an, en dessous duquel les particuliers ne seraient pas imposés. «Cette proposition est actuellement discutée dans le cadre du Projet de loi de finances (PLF)», précise Arthur Millerand, avocat spécialiste du droit des plateformes «collaboratives».

«  L’#économie numérique est-elle une zone de non #droit ? Interview sur @bfmbusiness #Tech https://t.co/awqjFab1ix pic.twitter.com/UEWqO0kAPk — Arthur Millerand (@ArthurMillerand) 8 novembre 2017  »



Le site Stootie.com essaie lui aussi de sensibiliser ses utilisateurs à passer par la plateforme en mettant en avant la garantie responsabilité civile de leur assureur partenaire. «Si quelqu'un vous demande de le recontacter en dehors de la plateforme, par email par exemple, ne lui répondez pas et signalez-le nous», indique le site par mail au moment de l’inscription.

Une mise en garde, et après?

Stootie recommande vivement de créer dés lors que le jobeur dépasse les 1000 € de revenus annuels. Crédit: Stootie


Pour ces plateformes de mise en relation entre particuliers, la seule option pour éviter le travail au noir est de sensibiliser et d'informer. La plupart envoient le relevé d’heures travaillées au prestataire pour qu’il puisse faire sa déclaration. En espérant que ce document ne dorme pas au fond d’un tiroir.

Idem pour le statut d’auto-entrepreneur, que Stootie recommande vivement de créer dés lors que le jobeur dépasse les 1000€ de revenus annuels. «On estime qu’à partir de ce seuil, on n’est plus dans le simple complément de revenus», précise Jean-Jacques Arnal, fondateur du site, qui se heurte à un flou juridique en la matière.

>>> Retrouvez tous les articles de 20 Minutes sur l'économie collaborative

D’autres acteurs du secteur n’attendent pas que le travailleur atteigne un certain plafond de revenus pour penser au statut de travailleur indépendant. Avec Merci Pour Tout, BeeBoss, ou encore la conciergerie de quartier Lulu dans ma rue, il est tout simplement impossible de proposer ses services si l’on n’est pas freelance. Une fois inscrit sur BeeBoss, il faut attendre de recevoir le courrier de l’administration publique qui vous indique votre numéro de Siret lié à votre nouvelle micro-entreprise… Une fois ce numéro renseigné, vous pouvez travailler ! Contrairement aux autres sites, à aucun moment le jobeur n'a accès de lui-même aux demandes des clients.

«Les gens sont contents d’être dans la légalité!»

Sergine Dupuy, fondatrice de Beeboss, reconnaît que le statut d’auto-entrepreneur peut être un frein pour recruter des jobeurs. Elle est cependant persuadée que la qualité du service assuré par le site fera la différence. «Quand on rend l’expérience facile, rassurante grâce aux garanties, et qu’on gère le suivi de la mission, les gens sont contents d’être dans la légalité!»

«  La #teambeeboss en forme ce matin ! Nous sommes à fond pour gérer cette semaine #MondayMotivation #reprise #totoro pic.twitter.com/P88Ure2ArO — BeeBoss (@Hello_Beeboss) 3 juillet 2017 »



BeeBoss, dont le modèle repose sur des partenariats avec de grosse entreprises pour du montage de meubles, de l’assistance informatique ou encore de la manutention, exclut certains jobs. Le baby-sitting, par exemple. «Les gens veulent une personne de confiance, qui vienne régulièrement. Au bout d’un moment, ils préfèrent passer en one to one.» C’est le cas de Julie, 26 ans. Pour arrondir ses fins de mois, elle a répondu à l’annonce d’une maman sur Yoopies.fr.

>>> A lire aussi: Trouvez la nounou idéale grâce au baby-sitting collaboratif

Le site Yoopies.fr est spécialisé dans la garde d'enfants. Crédit: Capture d'écran Yoopies.fr

Pas de travail au noir cette fois, mais les deux femmes se sont vite passées du site comme intermédiaire. «On a échangé nos adresses personnelles et maintenant, elle me paie en chèque emploi-service. Comme ça, elle bénéficie d’un abattement fiscal». De son côté, Julie ne devrait pas être imposable sur les 250 à 300€ qu’elle gagne par mois.

Quant à ceux qui décident de rester fidèles à la plateforme, ils ne pourront bientôt plus cacher leurs revenus à l’administration fiscale. D’ici à deux ans, celle-ci devrait enregistrer automatiquement les transactions effectuées en ligne sur les sites de l'économie collaborative, et donc les revenus issus de cette activité.

En attendant, une cellule spéciale de l’Ursaaf a été créée l’année dernière pour surveiller les jobeurs qui ne déclareraient pas leurs revenus. De quoi encourager un peu plus les particuliers à contourner ces plateformes…

*Pour respecter l'anonymat de cette personne, son nom a été changé.