Comment les «civic-tech» réinventent la vie politique française
Innovation•Voxe, LaPrimaire, Fluicity : ces applications ne sont que le début d'une réinvention de notre démocratie, assurent les experts...Julien Valnier
«Dire que les Français se désintéressent de la politique est complètement faux. Les Français adorent la politique. C’est le personnel politique qui s’acharne à les décevoir», assène David Guez. Pour le fondateur de LaPrimaire.org, il est temps de renouveler notre système démocratique en utilisant la puissance des outils numériques. «Notre démocratie fonctionne selon des principes du 19ème siècle, eux-mêmes bâtis sur des technologies du 15èmesiècle. Il faut se mettre à jour et renouer le dialogue entre politiques et citoyens.»
Et il n’est pas le seul à le penser : toute une génération de start-up et d’associations entend réinventer notre rapport à la vie politique. On les appelle les «civic tech» en référence aux «bio tech» ou autres «fin tech».
Co-écrire la loi
«Quand on s’est lancé en 2012, les initiatives de civic tech en France se comptaient sur les doigts d’une main», commente Léonore de Roquefeuil qui a cofondé Voxe, un comparateur en ligne de programmes politiques. «Désormais, chaque semaine on voit apparaitre de nouveaux projets!»
Envie d’interpeller votre maire? C’est possible avec l’appli Fluicity. Un projet de loi vous déplaît? Vous pouvez le co-écrire avec votre député sur le site Parlement et Citoyens. A moins que vous ne préfériez vous faire élire par la plateforme MaVoix afin de transmettre les votes des internautes dans l’Hémicycle. Vous visez plus haut? LaPrimaire.org vous permet de tenter votre chance à la présidentielle, à condition de recueillir suffisamment de soutiens citoyens...
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«Il existe aussi des outils pour faire émerger le consensus, prendre des décisions à plusieurs, mieux s’informer…il y a tant de choses encore à inventer», s’enthousiasme Léonore de Roquefeuil.
Candidat citoyen
Et l’approche de la présidentielle dans sept mois ne fait que dynamiser encore plus ce secteur. Tandis que LaPrimaire.org avance dans son processus de sélection, qui devrait culminer en décembre par le choix d’un candidat citoyen parmi les 16 restants, Voxe s’est alliée à Kawaa et Curious pour créer la plateforme #Hello2017. L’objectif? «Permettre aux citoyens de s’informer sur les candidats, de leur poser des questions et de se rencontrer entre eux dans la vie réelle pour continuer le débat», explique la fondatrice de Voxe.
« #Hello2017, belle initiative pour s'y retrouver durant les #elections par @Voxe @kawaa_co & @curious_fr > https://t.co/NSpg15SX5u #Politique pic.twitter.com/wuQCFDSqsZ — Eléonore Maugeais (@eleonore_mgs) 30 septembre 2016 »
Et qu’en pensent les politiques? «Nous encourageons ces initiatives. A la mairie de Paris, nous pensons que les civic techs viennent en complément de notre action, pas en opposition», explique Pauline Véron, adjointe d’Anne Hidalgo. Et pour preuve, la mairie a même créé plusieurs outils: «Les citoyens parisiens sont consultés sur notre site "Madame la Maire j’ai une idée". Ils peuvent aussi voter le budget participatif, réutiliser nos données ou lancer des e-pétitions qui sont ensuite mises à l’ordre du jour du conseil de Paris», énumère Pauline Véron.
Social Valley parisienne
Pour accélérer le développement de ce secteur, la mairie de Paris a annoncé en juin l’ouverture prochaine d’un «civic hall» inspiré de celui de New York. Ce nouveau tiers-lieu s’inscrit dans « l’accélération de la démocratie participative voulue par Anne Hidalgo», commente Pauline Véron. Résolument ouvert, il permettra d’incuber de nouveaux projets et de faire se rencontrer des publics aussi variés que les fonctionnaires, entrepreneurs, hackers, artistes et universitaires.
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Et ce n’est pas la seule initiative allant dans ce sens. Le 18 octobre prochain, le Liberté Living Lab ouvrira ses portes lui-aussi à Paris. D’une superficie de 2.000 m², il hébergera notamment Fluicity et LaPrimaire.org ainsi que d’autres initiatives axées sur l’éducation et l’orientation professionnelle comme Inpala et Bayes Impact.
« Liberté living Labhttps://t.co/TJMgq2LE58@LIBERTE_LL #civictech pic.twitter.com/xtlGwnlnkW — Florent Dubos (@lowplanning) 7 septembre 2016 »
«Les civic techs sont avant tout une question générationnelle», commente Jérôme Richez, le fondateur du Liberté Living Lab. «Les jeunes qui ont grandi avec Internet veulent une représentation politique aussi transparente et directe que les plateformes du web. Pour moi, tout ça n’est qu’un début. Nous sommes peut-être en train d’assister à la naissance d’une "Social Valley" à la française qui contre-balancera la Silicon Valley américaine.»