Pour cultiver la terre et les rencontres
TROC•Dans les Yvelines, des particuliers passent par un site web pour prêter leur jardin à ceux en quête d’une parcelle...Clémence Chopin
Saint-Rémy-lès-Chevreuse: terminus du RER B. A quelques encablures de la voie ferrée, un coin de verdure aux confins de l’Île-de-France. La propriété des Vouiller est encerclée par un lac, un jardin d’ornement, un poulailler et quatre potagers.
Ce midi-là, Anne-Christine et Marc déjeunent sur la terrasse de cette vaste maison des années 1990 à la façade blanche. Devenus amis, la propriétaire des lieux et le jeune maraîcher se sont rencontrés via www.pretersonjardin.com. Sur ce site, où l’on peut trouver un espace pour entretenir un potager, la cinquantenaire a posté sa première annonce au printemps dernier afin de dénicher des passionnés.
40% de la récolte pour la propriétaire du jardin
«J’ai découvert le concept à la télé. Je n’ai pas hésité à m’inscrire car j’ai toujours aimé faire pousser des fruits et légumes. J’ai eu ce plaisir très jeune, quand je regardais ma grand-mère les planter. Comme je n’ai pas la possibilité de cultiver chez moi, c’est idéal», raconte Marc, en croquant une des carottes de son potager, servies en amuse-bouche. La salade de tomates provient, elle aussi, de son jardin. Le jeune homme, résidant à Bures-sur-Yvette, offre une petite moitié de l’ensemble de sa récolte à la propriétaire. «On n’avait rien convenu avant la première récolte. C’est naturellement que j’ai décidé de garder 60% pour moi et mes parents, chez qui je vis encore.» Vendeur les marchés les matins, il prend le vélo trois à quatre après-midi par semaine pour entretenir le plus grand des quatre potagers.
Marc se rend 3 à 4 après-midi par semaine dans le potager que lui a confié Anne-Christine. C.Chopin/20Minutes.
En descendant les marches qui longent la maison, on traverse un petit pont qui donne sur un premier jardin. Il faut passer devant le poulailler et un bric-à-brac pour découvrir le potager de Marc, situé derrière une petite serre. Tout en longueur, avec au milieu, un passage étroit, cet espace vert accueille carottes, tomates mais aussi poireaux, concombres et patates douces. «Je viens de me lancer dans la culture du chervis», explique l’horticulteur, désireux de réussir à faire pousser de nouvelles variétés. Cette espèce de plantes herbacées se cultive comme un légume. «Au goût, ça ressemble à l’artichaut», continue le jeune homme de 23 ans.
«Ce concept ne date pas d’aujourd’hui»
Les jardins partagés, Anne-Christine Vouiller en a fait la découverte dans sa jeunesse. «Avant d’acheter cette maison en 2006, j’ai vécu de nombreuses années dans un grand appartement à Palaiseau. Au pied des immeubles, il y avait des jardins partagés entre onze familles, dont la mienne. C’était en 1968, ce concept ne date pas d’aujourd’hui», raconte, joviale, cette maman de deux enfants. En débarquant à Saint-Rémy-lès-Chevreuse, elle a voulu renouveler l’expérience. Permettre la culture de produits bio fait partie de ses ambitions.
«Je suis contre les engrais chimiques. Ici, c’est fait maison avec l’eau et la vase du lac et le crottin de mes chevaux», développe-t-elle, en déplaçant une brouette. Pour cette adepte de la récupération, bénéficier d’une partie des récoltes, c’est profitable. Mais ce qu’elle apprécie surtout, ce sont les échanges de savoir favorisés par les rencontres. Celle qui ouvre grand ouvert les portes de son grand jardin s’enthousiasme: «Marc m’a appris que l’on pouvait manger les feuilles de la betterave en épinard. Grâce à lui, je goûte aussi de la passiflore.»
Les engrais de ces potagers bio sont naturels: eau et crottin de cheval. C.Chopin/20 Minutes.
Échapper au tumulte parisien
Prêter son jardin est née en mars 2010, sous l’impulsion de Danièle Heiligenstein. La fondatrice a vu que «ça marchait bien en Grande-Bretagne», donc pourquoi pas chez nous? Ile-de-France, Languedoc-Roussillon, Rhône-Alpes sont autant de régions où les annonces sont pléthores sur ce site collaboratif, qui rappelle le métayage. 7.000 annonces circulent aujourd’hui sur la plateforme. Selon cette journaliste de formation, les particuliers séduits par le concept, «veulent savoir ce qu’ils mangent en cultivant eux-mêmes leurs aliments au lieu de se rendre au supermarché».
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A tous ceux qui souhaitent se lancer dans l’aventure, Marc et Anne-Christine mettent en garde. «Pour celui qui voudrait vendre ses récoltes, ce n’est pas rentable. C’est beaucoup de temps passé au potager, de la rigueur dans le travail et de la passion», énumère celle qui a vu défiler en un peu plus d’un an une quinzaine de maraîchers, dont la majorité habite à Paris. «Ceux qui viennent chez moi, c’est pour échapper au tumulte de la vie parisienne. Mais la mode du vert projette des fantasmes. Beaucoup ne sont pas revenus», confie Anne-Christine.
Aujourd’hui, en plus de Marc, il y a Camille, Simon, Fatima et Larbi pour s'occuper d'un lopin de terre. Récemment, une dénommée Sarah a contacté la propriétaire de la maison pour y faire construire une Tiny House, petite maison écologique sur roues. Prêter son jardin, c’est aussi l’interface où abriter des projets atypiques et novateurs.