ENVIRONNEMENT« Le réchauffement climatique facilite certaines maladies »

« Le réchauffement climatique facilite les maladies infectieuses et respiratoires »

ENVIRONNEMENTÇa chauffe pour notre santé. L'emballement du thermomètre favorise notamment l'apparition de maladies infectieuses et de problèmes respiratoires nous révèle le chercheur Jean-François Guégan
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Jade Raffat

Jade Raffat

Cet article a été mis à jour le 25 avril 2022

L’inventaire pas très vert. Montée des océans, raréfaction de l’eau douce, extinction de nombreuses espèces animales et végétales… Les conséquences du changement climatique sur l’environnement sont tristement connues. Son impact sur la santé humaine l’est moins, il n’est pourtant pas moins grave. Et d’autant plus depuis la publication du dernier volet du 6eme rapport du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (Giec) début avril, qui vient révéler qu’il ne nous reste que trois années pour éviter les effets les plus dévastateurs du changement climatique, en appelant (encore) les gouvernements du monde entier à réduire drastiquement les émissions de gaz à effet de serre. .

Parmi ces effets désastreux, l’impact sur la santé humaine. L’Organisation mondiale de la santé (OMS) révèle que 99 % de la population mondiale est exposée à une trop forte concentration de particules fines causée par les énergies fossiles. Elle estime aussi que 23% des décès dans le monde chaque année sont dus à des causes environnementales évitables.

Loin de nous l’envie d’en rajouter, mais cela ne va pas aller en s’améliorant puisque, entre 2030 et 2050, « on s’attend à ce que le changement climatique entraîne près de 250.000 décès supplémentaires par an, dus à la malnutrition, au paludisme, à la diarrhée et au stress lié à la chaleur », note aussi l’agence spécialisée des Nations Unies pour la santé publique.

Une situation d’autant plus inquiétante en Afrique, où déjà 56% des événements de santé publique répertoriés entre 2001 et 2021 étaient liés au climat. Un phénomène en augmentation de 25 % ces dix dernières années. Le constat de l’OMS est partagé par Jean-François Guégan, directeur de recherche à l’Institut de recherche pour le développement (IRD) et à l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (Inrae). Pour 20 Minutes, il en explique les contours.

Jean-François Guégan.
Jean-François Guégan. - J.F. Guégan

Vous travaillez sur la relation entre changement climatique et santé. Pourquoi ce phénomène favorise-t-il en particulier les maladies infectieuses et parasitaires, et leur propagation ?

En Afrique de l’Est par exemple, on a observé des cas de paludisme en altitude alors qu’auparavant il n’y en avait pas. Le réchauffement du climat a donc permis l’installation de moustiques dans certaines zones qui en étaient jusque-là dépourvues. Si le réchauffement climatique est en partie responsable de la prolifération des maladies, l’activité de l’homme, notamment le transport, y participe également. On observe une augmentation des maladies animales et végétales dont certaines peuvent être transmises à l’homme. Cela résulte notamment d’une augmentation des transports et de leur fréquence. Les avions, bateaux ou voitures déversent des espèces invasives à un rythme beaucoup plus rapide qu’avant.

Beaucoup d’insectes ont un rayon de dispersion de seulement quelques centaines de mètres ou quelques kilomètres, mais nos moyens de déplacement modernes, tout en contribuant au réchauffement climatique, les emmènent aujourd’hui hors de leur zone [comme le fameux moustique tigre, par exemple].



Les premières victimes du changement climatique sont, comme souvent, les populations les plus pauvres. Mais l’augmentation des températures n’est pas sans conséquence sur la santé des Français. Quelles sont-elles ?

On mesure encore mal les conséquences du changement climatique sur la santé du fait de la multitude de facteurs impliqués, et d’une certaine simplification du discours. Ce qui est évident, c’est que le phénomène facilite les maladies chroniques comme l’asthme ou des complications respiratoires. Sur les côtes européennes, l’augmentation de la température de la surface des eaux de 0,8 degré entraîne aussi une multiplication des bactéries du genre Vibrio qui peuvent provoquer de très fortes diarrhées après la consommation de coquillages, par exemple. Les agents infectieux sont très sensibles aux conditions météorologiques.

Selon une étude OpinionWay réalisée pour 20 Minutes et AXA Prévention, un tiers des Français s’estiment mal informés sur le changement climatique. Partagez-vous ce constat ?

Déjà, il y a une grande confusion entre météorologie, climat, variabilité climatique et changement climatique. Le gros problème aujourd’hui est la prolifération des microbes et des espèces invasives du fait de l’activité humaine. L’accroissement de la population, pour laquelle il faut trouver des nouvelles terres, expose aussi des individus à de nombreux germes microbiens qui sont présents dans les forêts tropicales, et que l’on coupe. On réveille des choses que l’on ne connaît pas, dont des millions de microbes potentiellement dangereux pour l’humain.

L’homme est-il capable de s’adapter au changement climatique ?

L’être humain est très plastique et capable de s’adapter. Seulement, on s’aperçoit, même en France lors des épisodes de canicule, qu’il peut mourir lors de fortes chaleurs. Chez les personnes âgées et fragiles, trois à quatre nuits sans dormir à cause d’une chaleur avoisinant les 30 degrés peuvent entraîner la mort s’il n’y a pas eu récupération en phase nocturne.

54 % des sondés évoquent leur responsabilité vis-à-vis des générations futures comme motivation pour agir pour la planète. Que souhaitez-vous dire aux jeunes ?

Je comprends que l’on soit inquiet sur les conséquences du changement du climat. Mais dans ma jeunesse, nous avions des missiles soviétiques orientés sur nos têtes, ce qui pouvait engendrer un climat de panique, et les gens ne se sont pas arrêtés de vivre pour autant. Cela a même été des années très productives notamment sur le plan artistique. Ce que je veux dire, c’est qu’il faut être optimiste tout en éduquant les citoyens et les décideurs. La mobilisation est importante, notamment localement car c’est cela qui peut faire bouger les politiques. Et puis, il faut aussi avoir confiance en la science !


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