La start-up française Galeon remet la donnée médicale entre les mains des patients et des soignants
CRYPTO•Grâce à son dossier patient, et aux données de haute qualité qu’elle en tire, la start-up française relie hôpitaux, patients et soignants, et les connecte à la blockchainRomain Gouloumes
L'essentiel
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- Créée en 2016, la start-up Galeon propose aux hôpitaux un dossier patient partagé entre établissements, avec une interface facile d'utilisation pour le personnel médical et le patient.
- Ce dossier permet de générer des données médicales de grande qualité. Galeon prévoit de vendre, agrégées et anonymisées, à des laboratoires pour financer le fonctionnement des hôpitaux ainsi que des projets de recherche à but non lucratif. Le choix de ces projets sera laissé aux patients ainsi qu'aux détenteurs de token Galeon, lancé fin 2021.
- En parallèle, et forte d'une levée de fonds (ICO) réussie auprès de la communauté crypto, Galeon doit déployer dans l'année une rampe de lancement (launchpad) pour des entreprises « good for humanity».
Galeon est sur un gros dossier. Et des milliers d’autres plus petits. La start-up française espère créer le dossier médical de demain avec une triple ambition : qu’il soit adapté aux besoins du personnel hospitalier, aussi accessible et compréhensible des malades qu’utile à la recherche médicale. Au cœur du sujet, la santé, oui, la donnée aussi. Quand un patient pénètre dans un hôpital, de la data fait de même dans un serveur. Mais il faut voir comment : prise de notes, scan de documents, information mal rentrée… Plus proche de la grotte d’ado que de la chambre d’hôpital, 80 % de la donnée médicale dans les hôpitaux serait inexploitable selon Galeon. D’autant que « le parc est complètement éclaté, chaque hôpital a son propre système, dans son langage, ajoute Loïc Brotons, son CEO. Il n’y a aucun partage de données. Et même s’il s’organise, l’environnement reste très archaïque. »
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« C’est comme passer de Windows XP à la toute dernière version »
Bien qu’on ne le trouve pas à la pompe, le carburant numérique a lui aussi besoin d’être raffiné. Les experts emploient le terme de « donnée structurée ». « On s’est adapté au langage des soignants et on analyse en continu comment ils l’utilisent. Quand une information est saisie, sans qu’ils s’en rendent compte on va ranger la donnée de façon intelligente grâce à notre moteur de structuration. A partir de là, on peut en faire plein de choses. Ça peut être des statistiques automatiques, ou fournir de la matière à la recherche. »
De la maternité des Bluets au CHU de Caen, plusieurs hôpitaux tournent déjà sous Galeon, d’autres sont en train de migrer*. A la clé, un gain de temps et plus de sécurité, fait valoir Loïc Brotons. « C’est comme s’ils passaient d’un coup de Windows XP à la toute dernière version. Le calcul se fait tout seul et l’information remonte automatiquement. Imaginons qu’un patient présente un taux de globules rouges bas dans le sang, c’est dangereux. Le logiciel alertera l’équipe de lui-même. »
Seule, la donnée a de l’intérêt, groupée, elle gagne de la valeur. Tout en préservant l’identité des malades, « et uniquement avec leur accord », Galeon prévoit d’ouvrir les dossiers médicaux des hôpitaux aux algorithmes des laboratoires de recherche. Des données vendues… et redistribuées. L’argent dégagé sera réparti entre l’hôpital (40 %), Galeon (5 %), et un fonds de financement (50 %) de projets de recherche à but non lucratif et libres de droit (dont les résultats sont utilisables par tout le monde). Une façon de boucler la boucle de l’altruisme ouverte lors de la collecte de data : « Aujourd’hui, certains projets ne sont pas finançables parce que pas rentables, alors qu’ils sont utiles à la communauté. Ça peut être un vieux médicament qui marche sur une nouvelle maladie mais que personne ne veut financer car il ne rapporte rien… ».
Au préalable triés par un comité scientifique, les programmes seront soumis au vote des patients et des détenteurs du token Galeon. On avait oublié de le préciser : en plus de marier santé et data, Galeon le fait sur l’autel de la blockchain. « On sait que la donnée de santé a besoin d’être valorisée pour pouvoir mener des recherches, mais il ne faut pas faire n’importe quoi avec. C’est là qu’on s’est dit que la blockchain était intéressante, elle permet de partager de la valeur entre personnes qui ne se connaissent pas mais aussi de la traçabilité, du contrôle. »
Une levée de fonds réussie
L’organisation autonome décentralisée (DAO) fera ses premiers choix en 2023. « Il faut atteindre une masse critique de 10 à 15 hôpitaux avant de commencer à percevoir les premiers effets de valorisation de la donnée », et donc des fonds à dispatcher. Ce qui a déjà pris de la valeur, c’est Galeon elle-même. En même temps qu’elle frappait à la porte des directeurs d’établissements (avec l’objectif d’en signer dix chaque année), l’entreprise s’est adressée directement à la communauté crypto. Et elle a été entendue. 15 millions de dollars ont été récoltés auprès de 30.000 investisseurs lors du déploiement de son token, en décembre dernier.
Cette levée de fonds réussie, qui fait figure d’exemple à suivre sur le marché français, l’équipe annécienne prévoit de la rééditer pour d’autres via son launchpad, attendu pour le courant de l’année. Sur sa rampe de lancement, uniquement des entreprises identifiées comme « good for humanity » (bonnes pour l’humanité). Bonne, Galeon l’est aussi avec les fidèles de la première heure, puisqu’elle réservera la moitié des jetons sur le pas de tir aux détenteurs de son token, à tarif préférentiel. « On sera sur la Binance Smart Chain et sur Ethereum, mais il sera aussi possible de payer en euros », glisse Matthieu Gueniffey, cofondateur de Galeon.
Vu la quantité de dossiers ouverts, on comprend mieux pourquoi le médecin anesthésiste réanimateur Loïc Brotons a plié la blouse il y a 6 mois pour enfiler pleinement le costume de CEO. « Galeon me prend 300 % de mon temps. C’est un autre type de médecine, mais c’est de la médecine aussi. » Dans la santé, il y a peut-être beaucoup de données, mais plus encore de mérite.
*CHU Caen, Groupement Hospitalier Nord Essonne, Maternité des Bluets – Hopital Pierre Rouquès, CH Sud Francilien, CH Arpajon, CH Périgueux, CH Bergerac, CH Sarlat