VITICULTURE« Catastrophique », le gel a ravagé les vignes et le moral des vignerons

Hérault : « C’est un phénomène catastrophique », le gel a ravagé les vignes et le moral des vignerons

VITICULTUREDans la nuit du 7 au 8 avril, un épisode de froid a impacté fortement les exploitations
Nicolas Bonzom

Nicolas Bonzom

L'essentiel

  • Dans la nuit du 7 au 8 avril, dans le département de l’Hérault, comme ailleurs en France, les vignes ont été ravagées par un froid glacial, qui a oscillé entre 0 et -12°C.
  • Dans la majeure partie du département, le sinistre a touché 80 % des surfaces, voire plus. Aucune exploitation n’a été épargnée, des hauts cantons à la frontière de l’Aude.
  • « C’est un phénomène catastrophique, que l’on n’a jamais connu dans cette région, constate Boris Calmette, président du groupement des Vignerons coopérateurs. L’ex-Languedoc-Roussillon a perdu quasiment la moitié d’une récolte de vin. En une nuit. »

«Au téléphone, j’ai eu des gens en pleurs, des gens écœurés, dégoûtés, désemparés. » Sophie Noguès, présidente de la Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles (FNSEA) de l'Hérault, et viticultrice à Sérignan, ne trouve pas « de mots assez forts » pour décrire le moral de ses camarades, touchés par un épisode de gel « sans précédent ». « Le moral est comme les températures, en dessous de zéro », confie-t-elle. Dans la nuit du 7 au 8 avril, dans l’Hérault, comme ailleurs en France, les vignes ont été ravagées par un froid glacial, qui a oscillé entre 0 et -12°C.

Si, à l’est de Montpellier, et sur le littoral, les dégâts ont été importants, mais limités (jusqu’à 30, voire 50 % des surfaces ont été touchées), dans la majeure partie du département, le sinistre a touché 80 % des surfaces, voire plus. Aucune exploitation n’a été épargnée. « Y compris dans des zones qui n’avaient jamais gelé depuis cinquante ans », constate Jean-Philippe Granier, directeur technique de l’AOC Languedoc.

« L’ex-Languedoc-Roussillon a perdu quasiment la moitié d’une récolte »

« Malheureusement, il y a de gros dégâts chez nous, et dans tout le secteur », signale Sébastien Galtier, ex-troisième ligne du MHR, et vigneron au Mas des Colibris, à Gignac. « Du jamais vu », déplore Diane Losfelt, au château de l’Engarran, à Lavérune.

« C’est un phénomène catastrophique, que l’on n’a jamais connu dans cette région, constate Boris Calmette, président du groupement des Vignerons coopérateurs. S’il faudra encore préciser les choses dans les semaines à venir, on peut d’ores et déjà estimer que l’ex-Languedoc-Roussillon a perdu quasiment la moitié d’une récolte de vin, 5 millions d’hectolitres, soit 500 millions d’euros de chiffre d’affaires. En une nuit. »

« Nos trésoreries sont très impactées, inexistantes »

Entre 3 heures et 7 heures du matin, le froid a « grillé » les vignes. « Le premier bourgeon sorti, qui est à fruit, a été touché, explique Jérôme Despey, président de la chambre d’agriculture de l’Hérault, secrétaire national de la FNSEA et viticulteur dans le département. Il y aura, peut-être, un contre bourgeon, mais sera-t-il fructifiant ? Ça dépend des cépages. Et il y aura, toujours, une baisse de production importante. » De son côté, Jean-Philippe Granier indique qu’à certains endroits, les parcelles sont tellement abîmées « que l’on n’imagine pas une deuxième génération de bourgeons ».

Une vigne gelée, dans l'Hérault
Une vigne gelée, dans l'Hérault  - Chambre d'agriculture Hérault

Si les gelées étaient attendues, personne n’a vu venir un épisode de cette force. D’autant qu’il intervient après « une accumulation », déplore Jérôme Despey. « La canicule, qui a brûlé les arbres, les vignes et les cultures, les sécheresses à répétition, la grêle, les inondations, la neige », énumère-t-il. « Cela fait plusieurs années que l’on fait face à des aléas climatiques très importants, complète Camille Banton, présidente des Jeunes agriculteurs de l’Hérault et viticultrice à Castelnau-le-Lez. On se réunissait, il y a deux ans, en cellule de crise, pour réagir face au coup de chaud exceptionnel. Il y a des jeunes qui commencent à se demander si c’est vraiment le métier qu’ils vont continuer à exercer. Nos trésoreries sont très impactées, inexistantes. »

Le risque, c’est aussi « la perte des parts de marché »

Economiquement, le sinistre est un drame pour les exploitants. « Quelle que soit la récolte que l’on rentre, 70 % des charges sont fixes. Elles sont les mêmes d’une année sur l’autre », rappelle Boris Calmette, qui explique que « l’ensemble de la filière sera impacté ». Dans l’Hérault, sur 80.000 hectares de vignes, seulement 16 % des surfaces sont assurées. Mais cela ne couvre pas toutes les pertes des exploitants. Pour les autres, les vignerons comptent sur un coup de pouce, rapide, des pouvoirs publics.

Le risque, c’est, aussi, que ce sinistre déstabilise le marché. « Le consommateur aura du vin, confie Jérôme Despey. Mais la crainte, c’est la perte des parts de marché. Lorsqu’il y a des petites récoltes, les metteurs en marché risquent d’aller s’approvisionner ailleurs pour satisfaire le consommateur. J’en appelle à la responsabilité patriotique des metteurs en marché, et des consommateurs. » Et, les vignerons « risquent aussi de perdre des marchés à l’export », déplore François-Régis Boussagnol, producteur de vin à Quarante.