Réalisateur des 24 Heures, un job à 400 km/h
Interview•Détour par les coulisses de la célèbre course automobile, avec le chef d’orchestre de sa retransmission sur les télévisions du monde entier, Olivier Denis, son réalisateur depuis huit ansEmilie Cochaud
L'essentiel
- Les 24 Heures du Mans sont diffusés en direct sur de nombreuses chaînes de télévision à travers le monde, devant des millions de téléspectateurs.
- 350 techniciens, 102 caméras et une centaine d’écrans sont nécessaires pour en assurer la retransmission.
- Depuis huit ans, Olivier Denis en est le réalisateur. Il se confie à «20 Minutes» sur son métier et la spécificité des 24 Heures.
Devant lui, une centaine d’écrans. Mais à l’arrivée, le spectateur ne verra qu’une seule image de la course. Une image choisie par Olivier Denis, réalisateur des 24 Heures du Mans depuis huit ans. Sans lui, difficile de comprendre cette épreuve d’endurance mythique, qui fait s’affronter quatre catégories de bolides en même temps, pendant 24 heures.
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Du 15 au 16 juin, il sera aux manettes du « signal international », autrement dit, le flux vidéo repris par les chaînes TV du monde entier devant des millions de téléspectateurs. Accompagné d’une équipe de 350 techniciens, cet athlète du direct aura pour mission de nous tenir en haleine, les yeux rivés sur les 102 caméras du circuit. Interview sur les chapeaux de roues avec l’autre pilote des 24 Heures.
Les 24 Heures du Mans, c’est une course d’endurance éprouvante pour les pilotes. Pour les équipes techniques aussi ?
Oui, on se construit comme une équipe qui participe à la course. Pendant la compétition, on travaille tous en relais : on est en général trois par poste pour pouvoir être à l’antenne pendant 24 heures. Qu’on soit réalisateur, cameraman ou ingénieur du son, on est donc obligé de penser à la personne qui va suivre, et de bien se passer les informations. En course d’endurance, il faut savoir partager le cockpit !
Comment fait-on pour rendre une course passionnante pendant… 24 heures ?
Pour qu’elle soit intéressante et sexy, il suffit d’être observateur. Mais avec 180 pilotes et 60 voitures en lice, il se passe toujours quelque chose. L’important, c’est de ne jamais se retrouver à simplement filmer des voitures qui tournent en rond. Tout l’enjeu est donc de trouver les belles histoires et de braquer le projecteur dessus.
Justement, c’est quoi une « belle histoire » ?
Ça peut être l’équipe qui se qualifie au dernier moment, la voiture détruite aux essais qui réussit finalement à prendre le départ ou un acteur de cinéma en piste [Jackie Chan, Patrick Dempsey et bien d’autres stars sont régulièrement sur le circuit]. Cette année par exemple, il y aura un équipage de femmes pour la première fois. Sur le plan humain, il y a toujours quelque chose à raconter, sur le circuit ou dans les stands. D’ailleurs, je dis toujours qu’on peut savoir qui va gagner la course en regardant les visages dans les stands ! On y perçoit le doute, le stress, la satisfaction.
On vous retrouve aussi en régie pour des matches de foot de l’équipe de France sur TF1, de rugby et même des courses hippiques. Quelle différence par rapport à la course automobile ?
Quand on est réalisateur pour un match de foot, il y a un seul ballon et donc une seule action. L’objectif est de la filmer le mieux possible. Alors qu’en automobile, 15 choses se passent en même temps ! Etre à la réalisation des 24 Heures, c’est l’art de choisir l’action la plus intéressante. On a énormément de caméras, et c’est ce qui nous permet d’essayer d’être au bon endroit au bon moment.
Vous êtes réalisateur principal de la course depuis huit ans. Comment les choses ont-elles évolué ?
Quand je suis arrivé, on n’avait pas de vision d’ensemble de la piste. On ne voyait pas bien la nuit, les caméras embarquées ne fonctionnaient pas tout le temps et il y avait peu de systèmes de ralentis. On avait tendance à subir les choses, alors qu’on a désormais la technologie pour bien comprendre la course. On a des caméras vraiment tout autour du circuit et des dispositifs embarqués qui tournent 24 heures sur 24. Et toutes les voitures sont équipées de GPS, donc on sait au mètre près où elles se trouvent. Le rythme de la réalisation a complètement changé.
La façon de raconter le sport a changé ?
C’est une course d’endurance qui dure 24 heures, dans un monde où les gens zappent tout le temps et regardent des vidéos sur une multitude de supports. On réalise donc la compétition en se disant que les téléspectateurs viennent et repartent très vite. Mais aussi qu’une image qui ne paraît pas importante pour le direct fera peut-être parler des 24 Heures sur les réseaux sociaux.
Il y a un film de voitures qui vous inspire ?
Rush [un film de Ron Howard, sorti en 2013], parce que la course automobile n’y est pas aseptisée, comme on le lui reproche parfois. Le film remet l’humain au cœur de l’histoire, en montrant les caractères des pilotes, l’équipe qu’il y a derrière… Toutes ces choses qui influencent la façon de piloter. On y voit des voitures bien sûr, mais surtout ceux qui tiennent le volant. Et c’est ce que j’essaie de faire.