Présidentielle 2022 : « La GPA n'est pas une marchandisation du corps », témoignent Eric et Jérôme, deux papas gays
PORTRAITS DE FAMILLES•Avant l’élection, 20 Minutes vous fait partager les attentes des familles d’aujourd’hui. Eric et Jérôme, qui habitent en région lyonnaise, sont les papas d'Augustine depuis deux mois. Ils aimeraient que leur histoire permette de faire avancer la France sur la question de la GPA pour tous les couplesCaroline Girardon
L'essentiel
- Avant l’élection présidentielle, 20 Minutes a rencontré des familles qui composent la société française d’aujourd’hui. Elles évoquent ce qui a changé au cours de ce mandat, leurs attentes et leur vision du monde politique actuel.
- Alors que 2021 aura été l’année de la PMA pour toutes, une avancée pour les couples homosexuels, Eric et Jérôme plaident pour la reconnaissance de la GPA en France pour tous les couples.
- Ces derniers papas, qui vivent en région lyonnaise, ont eu recours à une gestation par autrui au Canada. Ils ont accueilli leur petite Augustine au mois de janvier.
Penché sur le cosy, Jérôme berce doucement Augustine tandis que le bébé lui décoche des grands sourires. Dans la cuisine, Eric prépare le biberon. L’heure du repas approche. Depuis bientôt deux mois, la petite fille fait la fierté de ses papas, qui la couvent amoureusement du regard. Augustine est née le 15 janvier au Canada, d’une « femme porteuse », Ashley, restée très proche des deux hommes.
Eric et Jérôme, en couple depuis 15 ans, ont eu recours à une gestation par autrui. Eux ne sont « pas militants » mais ils aimeraient que leur histoire serve, qu’elle puisse faire « bouger les mentalités » et lever les craintes au sujet de la GPA alors que 2021 aura été l’année de la PMA pour tous les couples. Ils souhaiteraient que celui ou celle qui sera élu(e) lors de la Présidentielle « fasse avancer les débats pour que la France s’ouvre sur cette question-là ». « Mais pas seulement pour les couples homos, pour tous les couples », précisent-ils.
Face à l’adoption, un mur
Eux s’étaient presque résignés à ne pas devenir pères. « Au début, on voyait les copains, les cousins, cousines fonder une famille. On se disait qu’on n’aurait jamais cette chance-là », explique Jérôme, agent hospitalier dans la région lyonnaise. Mais au fil des années, l’envie d’avoir un bébé s’est faite de plus en plus prégnante. « On a commencé à en parler, puis à se renseigner et regarder toutes les options qui existaient », enchaîne Eric, animateur radio.
Dans un premier temps, les deux trentenaires envisagent d’avoir un bébé avec un couple de femmes. Mais ils abandonnent rapidement l’idée. « On ne voulait pas d’une garde alternée, on craignait que cela soit compliqué pour l’éducation à donner. On préférait avoir notre bébé à temps plein », explique-t-il.
Dès lors, se profile la piste de l’adoption. Mais les espoirs du couple sont rapidement douchés. « Les démarches sont particulièrement longues. Déjà, c’est galère pour un couple hétéro, alors pour un couple gay, imaginez. Il n’y avait quasiment aucune chance que cela aboutisse », expliquent-ils. D’autant qu’on leur propose d’adopter uniquement « un enfant à particularité ». Les garçons se tournent alors vers la GPA, dernière solution. Mais en France, « pas possible ». Le procédé est tout simplement interdit.
Deux pays où la GPA est légale et encadrée
« Il n’y a que deux pays dans lesquels la GPA est encadrée et légale, ce sont les Etats-Unis et le Canada », précise Jérôme. Pas question pour le couple de prendre des risques en allant dans un pays voisin qui contournerait la loi. Ils choisiront le Canada. Mais la procédure a un coût : 90.000 euros pour Jérôme et Eric. Un véritable frein. « Nous ne sommes pas Marc-Olivier Fogiel ou Christophe Beaugrand. On a dû recourir à un emprunt, c’est une réalité », atteste avec humour Eric.
En France, les banques n’ont pas le droit de prêter de l’argent pour une GPA. Qu’importe. Les deux hommes ont été « transparents ». « On ne voulait pas mentir. Nous avons la chance que le prêt nous soit accordé, mais c’est loin d’être le cas pour tout le monde », complète son mari.
« Oui, nous avons beaucoup de chance pour tout. Car ensuite, c’est allé très vite. Tout a marché du premier coup alors que d’ordinaire, c’est long, compliqué », enchaîne Eric. En septembre 2020, le couple est entré dans la procédure de GPA. Un mois plus tard, il rencontrait Ashley, la « femme porteuse », et non une mère porteuse. Car les ovocytes proviennent d’une autre femme. Le transfert d’embryon a eu lieu en avril 2021. Et Augustine est née en janvier dernier.
« On n’a pas acheté un ventre »
Depuis que les papas sont rentrés du Canada, Ahsley ne manque pas un jour sans les appeler sur WhatsApp pour prendre des nouvelles du bébé. C’est d’ailleurs le deuxième prénom que Jérôme et Eric ont choisi de donner à leur fille. « Nous avons noué des liens très forts. Nous avons été hébergés chez elle, nous avons rencontré ses enfants », argumentent-ils, désireux d’expliquer que la GPA n’est pas forcément « une marchandisation du corps ». Les deux papas refusent d’entendre qu’ils auraient « acheté son ventre ». Au Canada, la porteuse n’est pas rémunérée. L’intéressée a décidé, à l’âge de 17 ans, d’endosser ce rôle pour aider les couples n’arrivant pas à avoir d’enfant.
C’est elle qui portera à nouveau le second bébé du couple, d’ici quelques années. Avec toujours la même donneuse d’ovocytes. Les deux garçons y tiennent particulièrement. Tout comme ils souhaitaient aider d’autres couples en difficulté. Eric a d’ailleurs lancé le blog « 2 Papas Gays » sur les réseaux sociaux pour témoigner de leur parcours et répondre le plus précisément possible aux questions soulevées. Les retours sont généralement très « bienveillants ».
« Beaucoup de gens ont encore des interrogations ou des réserves sur la GPA mais les enfants sont couverts d’amour, comme l’est aujourd’hui Augustine », souligne-t-il. Et de préciser que leur fille « connaîtra toute son histoire dès qu’elle sera en âge de comprendre ». « Tata Ashley », elle, ne sera jamais très loin, promet-il. En attendant, restent deux derniers combats à mener : la transcription d’Augustine à l’état civil français et son adoption par le second papa. « Clairement, rien n’est fait pour nous faciliter la vie, mais on va faire preuve de persévérance et de patience », conclut avec détermination Eric. Un message pour le futur ou la future président(e) français(e)…