GASTRONOMIEAux Halles de Lyon, on se souvient avec émotion de «Monsieur Paul»

Lyon: Dans les allées des Halles Paul Bocuse, on se souvient avec émotion de «Monsieur Paul»

GASTRONOMIELe chef cuisinier aux trois étoiles, décédé samedi, laisse le souvenir d’un homme « généreux », soucieux des autres et « humble », malgré son immense notoriété. Rencontres avec ceux qui l’ont connu…
Caroline Girardon

Caroline Girardon

L'essentiel

  • Aux Halles de Lyon, qui portent le nom de Paul Bocuse, chacun se souvient avec émotion du grand chef.
  • Ses fournisseurs décrivent un homme « généreux », soucieux des autres et « humble » malgré son immense notoriété.

Dimanche, fin de matinée. Les Halles de Lyon, portant le nom de Paul Bocuse, grouillent de monde. Les files d’attente s’allongent à l’entrée des stands. «Monsieur Paul» a rendu son tablier la veille. Pour toujours. Forcément, le chef est au cœur de tous les sujets de conversation. Béret rose vissé sur le crâne, écharpe de couleur autour du cou, John Viv

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en lève son verre de blanc à la mémoire du « Pape de la gastronomie ».

Le Gallois, fervent supporteur de rugby, est venu découvrir l’endroit avec onze de ses amis. Depuis le temps qu’on lui vante les qualités de la « french food » et des « french wine ». « Paul Bocuse, tout le monde en a entendu parler », explique le colosse. « Ce genre d’endroit n’existe pas au Royaume-Uni. Vous avez quelque chose d’unique ici », ajoute-t-il.

« Toute ma vie, j’ai vécu avec Paul Bocuse »

Derrière les Gallois, Joris, venu d’Annecy, savoure un plateau d’huîtres en compagnie de ses amis. « Je n’ai jamais eu l’occasion d’aller manger chez Paul Bocuse mais j’ai un immense respect pour lui et pour ce qu’il a fait. Il est parti de rien et a construit un empire tout en restant fidèle à ses origines », déclare-t-il. Avant de rajouter dans un éclat de rire : « Quand on est amateur de bonne bouffe, on ne peut qu’admirer un homme comme lui ».

Quelques mètres plus loin, les odeurs de Saint-Marcellin envoûtent les narines des visiteurs. La file d’attente devant le comptoir de la Mère Richard s’étire. Affairée à servir ses clients, l’affable Renée Richard, la patronne enchaîne les interviews. L’œil bienveillant, elle prend encore quelques minutes pour évoquer son ami. Celui qui l’a connu jeune fille. Celui avec lequel elle travaillait depuis 1965. « Toute ma vie, j’ai vécu avec Paul Bocuse. Ma maman lui fournissait ses fromages. C’est lui qui la surnommait la "Mère". Le nom est resté. Et lui, est resté tout le temps à nos côtés », raconte-t-elle.

« Une star qui vivait simplement »

« Le moteur de Paul Bocuse était l’exigence mais c’était un homme généreux, drôle, attentif aux autres. C’était une star qui vivait simplement », ajoute-t-elle, tordant ainsi aux rumeurs véhiculant parfois l’image d’un chef à l’égo surdimensionné. « Vraiment pas », insiste Renée Richard. « Paul c’était tout le contraire. On avait l’habitude boire notre café le dimanche matin. Les gens venaient le saluer. Il était disponible. Il prenait toujours le temps de répondre à leurs questions. On ne le dérangeait jamais ».

La célébrité ne l’avait pas changé. « Quand il se trouvait à l’international, il jouait de son image. Il fallait se démarquer. Mais il ne se résume pas à ça », appuie Pierre Bastin, qui fournissait des volailles au Pape de la gastronomie depuis 25 ans. « Paul avait l’habitude de dire qu’il ne suffit pas de sortir de Saint-Cyr, mais qu’il faut sortir de l’ordinaire. Lui, c’était vraiment un homme rare », poursuit-il. Un « espiègle » avec « un sens de l’humour très prononcé ». Un chef « humble », « discret », « touchant », qui n’a « pas oublié d’où il venait ».

Une confiance accordée aux jeunes

« On ne le dit pas assez mais il faisait confiance aux jeunes. Quand j’ai commencé avec lui, j’avais 35 ans. J’étais inconnu au bataillon mais il aimait faire travailler les petits commerces et donner un coup de pouce ». Comme cette fois où il est venu avec une photo dédicacée qu’il a donnée à tous ses fournisseurs afin de l’afficher derrière leurs étals.

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« Ce n’était pas pour se mettre en avant. Bien au contraire. C’était pour nous aider. Il voulait que les clients sachent qu’il se servait chez nous », ajoute Pierre Bastin. « Paul Bocuse, c’était une locomotive mais il n’oubliait jamais ses wagons. Il aimait partager. C’est un vrai chef de cordée soucieux des autres ». Et de raconter que « Monsieur Paul » aimait faire le tour des Halles. « Quand il remarquait une absence, il s’assurait toujours que rien de grave n’était arrivé. Il prenait sans arrêt des nouvelles des uns et des autres ».

Chez Merle, les écaillers s’affairent, ouvrant les huîtres à la chaîne. Chacun arbore un bracelet noir autour du poignet en guise de deuil. « C’est le plus grand Lyonnais du Monde », sourit Fabrice. Le premier mot qui lui vient à l’esprit pour décrire le chef : « Respect ». « On mangeait chez lui comme on mange à la maison. D’ailleurs son restaurant est toujours resté une auberge. C’est un musée vivant de la gastronomie. ça force le respect ».

« J’ai perdu un grand-père »

Stéphane Gast, directeur de la maison de traiteur du même nom, celui que Paul Bocuse surnommait « Le petit Gast », a lui aussi des souvenirs plein la tête. Des souvenirs émus. « Mon père et lui étaient très liés professionnellement mais aussi amicalement ». Chaque jour, le traiteur passe devant l’établissement de Collonges, où tout le monde le connaît.

Il s’arrête toujours pour saluer le personnel. Des habitudes qui ne se perdent pas. « Paul était vraiment une référence. C’est celui qui a fait sortir les chefs de leur cuisine. On était toujours divinement bien reçu chez lui ». Ce qu’il retiendra avant tout de lui ? Sa « générosité ». « Sa chaleur ». Et de conclure : « Aujourd’hui, j’ai perdu un grand-père ».