SOLIDARITEAncien SDF, il lance une journée d'aide aux sans-abri de Lyon

Lyon: Ancien SDF, il lance une journée de solidarité pour venir en aide aux sans-abri

SOLIDARITEFabrice Manon lance une journée de solidarité samedi 13 janvier, au cours de laquelle des couvertures et de la nourriture seront distribuées aux SDF...
Fabrice Manon. Lance journée d'aide au sans abris samedi 13 janvier. D.Munoz / 20minutes
Fabrice Manon. Lance journée d'aide au sans abris samedi 13 janvier. D.Munoz / 20minutes - 20 minutes Lyon
Dylan Munoz

Dylan Munoz

L'essentiel

  • Fabrice Manon a vécu deux ans dans la rue lorsqu'il avait 16 ans.
  • Fort de son vécu, il lance samedi 13 janvier une journée d'aide aux sans-abris. Un événement qu'il aimerait renouveler une fois par mois.
  • Il entend ainsi montrer qu'on peut se sortir de la rue.
Seize ans. L’âge des rencontres, des premières fois, des peines de cœur et des ruptures sans sentiment. Rien ne semblait pouvoir lui arriver à cet âge-là. Fabrice Manon s’est pourtant retrouvé à la rue après la mort de sa mère. C’est là que tout s’accélère, vite, trop vite peut être. « Mon beau-père me jette dehors », raconte-t-il. Il passera deux ans à dormir sous les ponts, dans des halls d’immeubles ou de gares. Une expérience traumatisante sur laquelle il compte désormais s’appuyer.
Père de famille et chef d’entreprise, ce Lyonnais de 36 ans lancera samedi une journée de solidarité à laquelle participera une trentaine de bénévoles, invités à sillonner les rues de la ville et venir apporter un peu de chaleur et de la nourriture aux SDF.
« J’ai créé une page Facebook, Une nuit au chaud, il y a trois semaines et j’ai plus de 200 personnes qui la suivent ». Déjà 30 d’entre eux se sont inscrits à l’événement. Mais le nombre pourrait encore grimper. « J’attends environ 70 autres réponses », explique l’homme, agréablement surpris par tant de participation.
Accueillir des sans-abri le temps d’une nuit
« Chacun prépare quelque chose […] Gâteaux, couvertures, café, boissons. Mais venir simplement pour discuter avec eux est déjà une bonne chose », poursuit-il. Au-delà d’un moment de partage, il s’agit de trouver des volontaires susceptibles d’accueillir un sans domicile fixe chez eux. « Pour une douche, un repas et peut-être une nuit. Pour l’instant une quinzaine de personnes ont proposé d’ouvrir leur porte ».
Fabrice souhaiterait, à plus long terme, renouveler l’expérience une fois par mois. Une deuxième tournée d’aide aux SDF est prévue pour la Chandeleur : « L’idée serait de s’associer avec des boulangeries, de pouvoir cuisiner des crêpes et leur apporter un repas chaud ». Il a également tenté de contacter la mairie de Lyon pour bénéficier d’une salle, mais toujours aucune réponse.

Une envie de fédérer un maximum de personnes

« Le plus dur aujourd’hui est de changer la mentalité des gens, qui évolue, mais en mal. Ceux qui dorment dans la rue font peur », avance-t-il. La rue, il pensait pourtant y rester peu de temps. Il espérait que la première nuit passée dehors serait la dernière. Elle fut la première d’une longue liste. Il attendait de l’aide, mais « à cet âge vous savez les amis… ». Les souvenirs s’enchaînent : « Vous avez les femmes de ménages qui vous réveillent à coup de seaux de javel sur le visage. » Plus calmement, la police vient « pour vous déloger et vous laisser sur le pas de la porte d’entrée ».

Fabrice devient un problème, celui qu’on ne veut plus voir, celui qu’il faut déplacer.
Un homme vient alors lui proposer de l’héberger. Passer une nuit au chaud chez lui. « Les gens ont peur d’accueillir un sans-abri chez eux mais l’inverse l’est tout autant. Ce jour-là, cet homme m’a violé », se remémore-t-il, la voix tremblante et hanté par ce souvenir. « C’est difficile d’en parler. »

Une jeunesse détruite

Alors le jour d’après on pleure, puis on avance. « Ce qui a été dur c’était de faire face aux questions de la police. Ces questions qui vous donnent l’impression d’être incompris. » C’est difficile, insurmontable sûrement. « Ça vous détruit, vous savez on ne s’en remet pas. On vit avec. » A chaque jour son lot de malheur. Une femme qui est sur le point de se faire violer en face de lui. Le suicide, sous ses yeux, d’un SDF dont il était proche. La rue ne lui épargne rien.

Avec les autres, « on se partageait les horaires pour ne pas être plusieurs au même endroit pour mendier », poursuit-il. Une solidarité dans la misère qu’il n’imaginait pas. Les gens passent, le saluent, discutent avec lui. Certains l’aideront. « J’ai fini par partager une boîte aux lettres avec un habitant. J’ai pu m’inscrire dans une agence d’intérim, enchaîner les petits boulots et me prendre un appartement. » La fin de la rue. Le début d’une renaissance.

Une seconde naissance

Aujourd’hui, Fabrice, convaincu que l’on peut s’en sortir, dirige une société de rénovation dans le bâtiment. Une entreprise « qui marche pas trop mal. Quand on a traversé ce que j’ai traversé on apprend à relativiser. » Il est aussi père d’une jeune fille de dix ans « qui connaît [son] parcours ». Elle sera là ce samedi à ses côtés pour distribuer de la nourriture.

Son prochain projet personnel est d’acheter une maison afin de pouvoir louer les chambres, comme dans une chambre d’hôte. La différence ? Elles seraient gérées par des sans-abri. En attendant, un dernier conseil : « Si vous croisez un SDF, n’oubliez pas de dire bonjour. Un bonjour quand on n’a rien, ça permet de rester en vie… »