«Une Barkley à la française»... Et si la Chartreuse Terminorum était la course la plus dure au monde?
ULTRA-TRAIL•Quarante coureurs vont se lancer vendredi en Isère dans une course quasiment impossible de 300 km et de plus de 22.000 m de dénivelé positif...Jérémy Laugier
L'essentiel
- Organisateur de cette première Chartreuse Terminorum, Benoît Laval vise « 1 % de finishers » sur son incroyable ultra-trail.
- Cette course est la « petite sœur » de la Barkley (Etats-Unis), que n’ont terminée que 14 coureurs depuis 1986 !
A partir de minuit, dans la nuit de jeudi à vendredi, 40 trailers seront susceptibles d’être réveillés à tout moment, et ce jusqu’à midi, dans leur campement de Saint-Pierre-de-Chartreuse. Engagés sur la première édition de la Chartreuse Terminorum, ils savent qu’ils auront une heure pour se préparer au départ d’une incroyable course de 300 km et de plus de 22.000 m de dénivelé positif dans le grand territoire forestier d’Isère.
Pour couronner le tout, ces spécialistes d’ultra-trail devront conclure chacune des cinq boucles (d’environ 60 km) en moins de 16 heures, et ce sans le moindre balisage ni recours au GPS, et avec un seul ravitaillement tous les 60 km. De quoi faire passer le dément UTMB (environ 170 km et 10.000 m de dénivelé positif depuis Chamonix) pour un challenge finalement à la portée de tous ?
« A la limite du faisable, avec 1 % de finishers »
« L’objectif n’est pas de proposer la course la plus dure au monde mais nous souhaitons qu’elle soit à la limite du faisable, avec 1 % de finishers », explique le directeur Benoît Laval. Fondateur de la marque Raidlight, celui-ci a puisé toute son inspiration en participant en 2016 et en 2017 à la Barkley dans le Tennessee (Etats-Unis). Cette épreuve d’environ 200 km sur les lieux de l’évasion de l’assassin de Martin Luther King est devenue mythique avec un premier coureur arrivé dans les temps lors de la 10e édition et seulement 14 au total… depuis 1986 !
Benoît Laval, qui a terminé à chaque fois deux des cinq boucles dans la glaçante forêt de Frozen Head, a un objectif clair depuis l’an passé : organiser « la petite sœur » de la Barkley, qualifiée de course la plus dure du monde, en conservant tous ses codes. N’imaginez pas un seul instant qu’un DJ viendra ambiancer le cadre paisible de la forêt domaniale de Grande Chartreuse. Il n’y aura pas de spectateurs, hormis au départ et éventuellement à trois croisements du parcours secret avec la route, pas de sponsors ni d’arche de départ ou de sono.
Après la version US prison et mines, voici le Monastère de la Grande Chartreuse
L’ambiance d’une course à l’inscription atypique de 3 euros (1 centime du kilomètre) sera résolument silencieuse, isolée voire mystique. Après la prison et les mines dans la version américaine, Benoît Laval a pu s’appuyer sur le Monastère de la Grande Chartreuse pour convaincre le charismatique organisateur de la Barkley, Lazarus Lake, de s’associer à son projet. « Je ne suis pas beaucoup sorti de chez moi et je ne connais donc pas toutes les forêts du monde. Mais celle que j’ai visitée en Chartreuse m’apparaît comme une source d’inspiration idéale pour l’organisation d’une course comme la Barkley », reconnaît « Laz », l’une des grandes curiosités de cette première édition de la Chartreuse Terminorum.
Parmi les 40 heureux élus à avoir reçu leur « lettre d’acceptance » grâce à un solide parcours de trailer et une lettre de motivation convaincante, Alexis Choucroun ne se fait guère d’illusions. « Je pense que nous ne serons pas plus de huit à finir la première boucle et ça m’étonnerait qu’un seul coureur se lance sur la quatrième », se projette ce Parisien de 46 ans, qui n’a commencé le trail qu’en 2012. Après avoir toujours conclu ses ultras, dont l’UTMB et la Diagonale des Fous (environ 170 km), il s’attend à souffrir durant « ce saut dans l’inconnu » vendredi.
« Autour de moi, il n’y aura que des tarés »
« D’habitude, on se contente de courir et on débranche le cerveau, confie-t-il. Sur la Terminorum, il faudra toujours suivre le même chemin et retrouver grâce à notre carte 17 livres cachés lors de chaque boucle. C’est ce qui va être usant nerveusement. Mais je vais passer un cap mental et les autres courses sembleront plus faciles derrière. » Pas moins d’onze nationalités seront représentées pour cette grande première, dont le Costa-Rica via Sandra Mejia Cespedes (38 ans), l’une des trois femmes engagées. « Je n’ai participé qu’à une course de plus de 100 km dans ma vie et la nuit me fait un peu peur, avoue-t-elle. Mais quand j’ai vu sur Internet que cette course était presque impossible à finir, je me suis dit que je me devais d’essayer. »
« Ce n’est pas une sous-Barkley mais vraiment une Barkley à la française, insiste Alexis Choucroun. Dans mon esprit, ce n’est pas une course mais vraiment une aventure humaine. Il faut y aller en étant hyper humble car autour de moi, il n’y aura que des tarés. » Quand « Laz » va souffler dans son coquillage vendredi matin pour annoncer le départ de cette première Chartreuse Terminorum, tous se diront sans doute qu’ils le sont plus que jamais.