L'essentiel

  • Ludivine Chambet, ancienne aide-soignante, est jugée devant les assises de Savoie pour avoir empoisonné 13 pensionnaires d'une maison de retraite en l'espace d'un an. Dix sont décédés
  • Les experts psychiatriques, appelés à témoigner mercredi, n'ont pas su livrer d'explications rationnelles sur les gestes de l'accusée
  • La personnalité de l'accusée a été passée au peigne fin

Qu’est ce qui a poussé Ludivine Chambet, 34 ans, à empoisonner 13 personnes âgées de la maison de retraite médicalisée dans laquelle elle travaillait à Chambéry ? Elle-même ne semble pas le savoir. Incarcérée depuis trois ans, l’ancienne aide-soignante n’a visiblement pas encore trouvé de réponses en prison. A peine se demande-t-elle ce qu’elle fait derrière les barreaux.

« Ce qui lui pose problème c’est d’être mélangée aux autres criminelles, c’est aussi d’être jugée par ses proches mais pas tellement d’avoir empoisonné ses victimes », lâche l’expert psychiatre Patrick Blachère, en préambule de la deuxième journée du procès qui se déroule devant les assises de Savoie.

« Je ne comprends toujours pas »

Dans le box des accusés, l’infirmière écoute, le regard perdu, comme celui d’une petite fille apeurée à l’idée d’être abandonnée. Sa voix enfantine, endormie par les médicaments, tranche avec son imposante stature. « C’est toujours un questionnement pour moi de savoir les raisons de cet enchaînement, pourquoi je suis allée jusque-là », affirme-t-elle. Et d’ajouter à l’adresse des parties civiles : « Je ne comprends toujours pas, je ne fais pas de liens. J’espère avancer et éclairer les familles en leur donnant des réponses plus précises ».

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Des réponses ? Les deux experts psychiatres, interrogés mercredi, ont bien été en peine d’en fournir, préférant formuler des hypothèses. Daniel Zagury et Patrick Blachère sont toutefois d’accord sur plusieurs points : Ludivine Chambet, atteinte d’une maladie génétique rare, qui engendre une forme de gigantisme et des malformations, ne « souffre pas de maladie mentale », seulement d’une profonde dépression depuis l’âge de 18 ans. Elle n’est pas non plus « psychopathe », ni « psychotique ». Juste une « hypersensible à la souffrance des autres ».

La volonté de s’apaiser elle-même ?

A chaque fois qu’elle administre un cocktail de psychotropes à ses patients, c’est pour « les apaiser » car la jeune femme a expliqué maintes fois, avoir « détecté de la souffrance chez eux »…bien qu’ils n’aient jamais exprimé la moindre envie de mourir.

« Peut-être avait-elle la volonté de s’apaiser elle-même ? », avance Patrick Blachère. Une façon d’enterrer les humiliations dont elle a été victime dès le plus jeune âge ? Une manière de faire fi des remarques narquoises de ses collègues de travail qui la blessaient profondément ? Ou calquait-elle ainsi la souffrance de sa mère, terrassée par un cancer, sur celle de ses victimes ?

« Pas de vengeance », « pas de désir d’euthanasier ses victimes », insistent les deux psychiatres. « Elle cherchait peut-être le moyen d’exister car au-delà de sa mère, elle n’existait pas », affirme Patrick Blachère.

Ludivine Chambet, dépeinte tout au long de la journée comme une personne vulnérable, aurait-elle voulu inconsciemment être valorisée, être utile lorsqu’elle prenait en charge ses propres victimes ou aidait le Samu dans les gestes de premiers secours, « être toute-puissante » ? Là encore, ce ne sont que des hypothèses.

« Comme un condensateur qui se décharge »

« Il y a une sorte de colère froide contre tout ce qu’elle a pu vivre ». Une colère qu’elle ne parvient jamais à exprimer verbalement, comme le moindre sentiment. Alors Ludivine Chambet, incapable de se révolter ou de réagir, décrite comme une « sorte de marshmallow » devient « comme un condensateur qui se décharge ».

« Soit elle crie dans les couloirs, soit elle met en place un rituel qui la soulage », à savoir distribuer des gouttes à ses patients. « Paradoxalement, elle est capable de commettre des actes que tout à chacun ne commettrait pas ». C’est-à-dire empoisonner 13 personnes.

Aurait-elle voulu ainsi se rebeller contre cette maman ultraprotectrice avec laquelle elle avait des liens fusionnels ? C’est aussi l’une des hypothèses avancées par Daniel Zagury. Une certitude : pour les experts, Ludivine Chambet n’est pas une tueuse en série.

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« Ce n’est pasFrancis Heaulme », tranche le docteur Blachère. « Nous n’avons pas repéré de froideur ni de jouissance de toute-puissance », répond le second qui a déjà expertisé Guy Georges, Patrice Alègre et Michel Fourniret, entre autres. Et d’insister : « Elle ne nous a jamais mis mal à l’aise. Elle ne présente pas les caractères psychologiques des tueurs en série qui, après un premier acte fortuit, tirent les leçons et peaufinent leurs méthodes ».

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Autre argument : « Elle l’a fait, elle le savait, elle n’en avait pas connaissance. On peut dire que c’est absurde. Non, c’est le cas de beaucoup de criminels », répond avec aplomb Daniel Zagury. De là à se demander si Ludivine Chambet doit être aujourd’hui dans le box des accusés, il n’y a qu’un pas que maître Connille, avocat des parties civiles franchit avec ironie.

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« On ne peut pas répondre par blanc ou noir. Bien sûr qu’elle est à sa place dans le box. Mais il y a un moment où l’on butte sur l’inexplicable. Il existe des raisons mais elles échappent à la rationalité », conclut le Dr Zagury… Verdict attendu le 24 mai.