Lyon: Seins nus contre le cancer du sein
SANTE•Le projet Venus vise à vendre une centaine de photos, retravaillées par des artistes, aux enchères au mois d'octobre...Caroline Girardon
Pudique ? Pas vraiment. Mais l’idée de poser seins nus devant un photographe ne la met néanmoins guère à l’aise. Marie, 26 ans, enseignante dans le primaire, fait partie des 110 jeunes femmes qui se sont portées volontaires pour le projet Venus. La jeune femme a accepté dimanche de pousser les portes du Studio Le Carré à Lyon pour promouvoir la prévention du dépistage du cancer du sein.
« J’ai perdu ma maman de cette maladie quand j’avais douze ans. Il y a trois ans, je m’étais fait couper les cheveux très courts pour les donner à un fabriquant de perruque. Là, ils ne sont pas assez longs pour que je retente l’expérience », sourit la jeune femme, décidée à s’engager symboliquement d’une autre manière.
« Pas évident de montrer son corps »
« Même si je m’assume, je ne suis pas très à l’aise devant un objectif », confie-t-elle à quelques minutes de prendre la pause. « Maintenant que j’ai mon armure, je suis prête », explique-t-elle radieuse, arborant les signes tribaux qui lui ont dessiné sur le visage.
Sandrine, 41, ans, clerc de profession, vient de terminer sa séance photo, heureuse d’avoir « relevé le défi ». « Ce n’est pas évident de montrer son corps, ses cicatrices. En fait, tout est dans la tête. Les gens, de l’extérieur ne s’en rendent pas compte, mais moi, je sais ce que j’ai vécu », explique-t-elle.
La prévention par l’art
Sandrine, a été frappée d’un cancer du sein il y a trois ans. « C’est dans les gênes chez nous. Mon père, ma mère sont décédés d’un cancer, ma tante aussi », raconte-t-elle. « Je voulais montrer qu’on peut s’en sortir », poursuit-elle. « Je me suis fait violence pour participer à ce projet car je n’aime pas montrer mon corps, qui a beaucoup changé depuis la maladie. Mais je me suis dit qu’il fallait que j’aille plus loin et que j’aide les autres femmes qui en ont besoin aujourd’hui ».
C’est le centre d’art Spacejunk qui a eu l’idée de cette initiative il y a huit ans. L’objectif : faire de la prévention par le biais de l’art. « Les messages délivrés sont souvent plus percutants et plus faciles à diffuser », résume Violette Paquien, chargée du projet avant d’ajouter : « Les gens ne lisent pas tout le temps les slogans, une image parle d’elle-même. »
Cent sept femmes, quel que soit leur âge ou leur origine, ont été invitées à poser. Trois hommes se sont pris au jeu. Comme Philippe, 54 ans, vendeur et boylesque (burlesque masculin), qui « assume ses bourrelets ». L’homme, habitué à la scène et au maquillage, avait envie de « faire un geste » et de « donner de son temps pour la lutte contre le cancer ». Car les clichés seront vendus aux enchères.
Vente aux enchères
Avant cela, la moitié des photos seront « customisées ». L’autre sera confiée à des artistes, la plupart des illustrateurs, chargés de « sublimer les photos ». Le tout sera donc vendu aux enchères au mois de décembre. 50 % de l’argent récolté sera ensuite reversé à l’association Europa Donna.
« L’an dernier, nous avions récolté 5.000 euros qui ont servi à financier le travail de trois socio-esthéticiennes, qui proposent aux femmes atteintes de cancer, des conseils beauté, des soins du visage, des manucures, des massages », explique Elizabeth Marnier, bénévole. « C’est un temps de bien être, où les malades peuvent se lâcher. Cela les aide ensuite à accepter et endurer la dureté et l’agressivité des traitements. Toutes ces personnes sont démunies devant leur corps qui les a trahis. Alors prendre soin de son image c’est aussi travailler l’estime de soi », conclut-elle.