REINSERTIONLyon: Une nouvelle adresse pour que les SDF passent de la rue à l'autonomie

Lyon: Une nouvelle adresse pour que les SDF passent de la rue à l'autonomie

REINSERTIONLe centre Carteret, totalement rénové, accompagne les grands exclus vers la réinsertion...
Elisa Frisullo

Elisa Frisullo

Dans deux semaines, Mohamed Ali quittera son petit bungalow du centre Carteret pour aller vivre dans une pension de famille à Villeurbanne. Un lieu où il sera plus autonome et plus proche encore d’une vie comme tout le monde. Mais avant d’en arriver là, ce Lyonnais de 38 ans a enchaîné les années de « galère », marqué par les nuits dehors et les foyers insalubres.

« J’ai fait 20 ans de rue. Mon angoisse aujourd’hui, c’est d’avoir froid et de devoir dormir de nouveau la tête dans la neige », confie cet ancien sans-abri, arrivé au centre d’hébergement et de réinsertion sociale (CHRS) Carteret, dans le 7e arrondissement deLyon, il y a quatre ans et demi.

A cette époque, l’établissement, entièrement rénové en 2016 parLyon Métropole Habitat, n’avait rien du village de chalets convivial inauguré ce mardi. « C’était une catastrophe, totalement insalubre », ajoute le résident. Désormais hébergés dans des bungalows individuels, avec terrasse en bois et jardinet en cours de plantation, les 37 habitants du centre géré par Alynea bénéficient d’un accompagnement « sur-mesure » dispensé par sept travailleurs sociaux. Ce qui en fait un établissement unique en son genre dans l’agglomération.

Mohamed, l'un des résidents accueillis au centre d'hébergement et de réinsertion sociale Carteret à Lyon, dédié aux grands exclus marqués par des années de rue.
Mohamed, l'un des résidents accueillis au centre d'hébergement et de réinsertion sociale Carteret à Lyon, dédié aux grands exclus marqués par des années de rue.  - E. Frisullo / 20 Minutes

Les addictions acceptées

« Il a été imaginé comme un vrai lieu entre le dedans et le dehors pour éviter le sentiment de confinement des résidents qui, pour la plupart, sont des personnes éprouvées par l’expérience de la rue et les galères », explique Jérôme Colrat, directeur d’Alynea. « Notre particularité, c’est notre très haut seuil de tolérance. Dans les centres habituels, lorsque vous êtes drogués ou alcooliques, vous finissez par être exclus. Ici, nous avons fait le choix d’accueillir ces gens avec leurs addictions, avec leurs animaux de compagnie, et de proposer un accompagnement vers la réinsertion adapté à chacun d’eux ».

En fonction du profil des habitants, le parcours vers un retour à une vie plus normalisée peut-être long. La durée de séjour moyen à Carteret est de 18 mois. « Certains arrivent ici et doivent tout réapprendre. A manger avec des couverts, à se doucher, à ranger leur bungalow, à respecter les règles et vivre avec les autres », ajoute Imed Jendoubi, responsable du centre. « Ce sont des gens cassés avec lesquels on va construire pour les ramener dans le droit commun ».

Une passerelle entre la rue et l’habitat plus autonome

Jérôme est arrivé ici il y a trois ans après avoir connu la rue, les centres d’hébergement d’urgence et les haltes de nuit. « Vivre ici, c’est un ressort. Je commence à rebondir. Les référents qui s’occupent de nous sont d’une aide importante. Ils sont à l’écoute à toute heure, ne nous oublient jamais », lâche ce quadragénaire, dont la vie a basculé il y a des années à cause de l’alcool.

Jérôme, l'un des résidents du CHRS Carteret à Lyon.
Jérôme, l'un des résidents du CHRS Carteret à Lyon.  - E. Frisullo / 20 Minutes

« Nous ne les forçons pas à arrêter la drogue ou l’alcool, cela ne marcherait pas. Pour ceux qui ne veulent ou ne peuvent pas, nous essayons de travailler sur leurs addictions avec l’aide de médecins et d’associations afin qu’ils puissent envisager l’avenir et réduire l’écart avec la norme », poursuit Imed.

Véritable passerelle entre la rue et l’habitat autonome, Carteret a accueilli 56 personnes en 2016, dont douze couples. En quittant le centre, les résidents sont orientés, selon leurs besoins, vers du logement social, des maisons relais, des pensions de famille ou des appartements traditionnels. Un tiers des résidents parvient à retourner vers l’emploi classique. Les deux tiers, plus abîmés par la vie, sont orientés vers de l’emploi adapté.