« Les Français ont une perception assez fidèle de ce qu’est la vie à la montagne »
INTERVIEW•«20 Minutes» a interrogé Marie-Noëlle Battistel, députée et présidente de l'Association nationale des élus de montagne...Elisa Frisullo
En fin d’année, après avoir coécrit ce texte législatif, l’Association nationale des élus de montagne (ANEM) a décidé de réaliser un sondage pour évaluer la perception des Français sur les territoires montagnards. La présidente de l’association Marie-Noëlle Battistel, députée PS de l’Isère, revient pour 20 Minutes sur les enseignements essentiels de cette « enquête ».
Quelles étaient vos attentes à travers ce sondage ?
Pendant les débats qui ont eu lieu au niveau national dans le cadre de la préparation de la loi, beaucoup d’auditions ont été menées. Suite à ces différents entretiens, nous nous sommes rendu compte que pour un certain nombre de personnes, notamment nos collègues dans l’hémicycle, la loi n’était faite que pour les montagnards. Or cette loi, c’est effectivement une chance pour la montagne, mais c’est aussi une chance pour notre pays sur différents sujets. L’idée nous est donc venue de sonder les Français pour voir quelles étaient leurs perceptions sur la vie en montagne, les actions qui y sont menées et les difficultés rencontrées.
Qu’est ce qui vous interpelle le plus dans les résultats de cette enquête ?
Ce qui ressort, c’est que 89 % des personnes interrogées pensent que les territoires de montagne constituent un véritable atout pour la France. C’est rassurant et pour une montagnarde qui, comme moi vit à la montagne, c’est un réel plaisir.
Les Français semblent aussi conscients des conditions de vie parfois difficiles en montagne...
Ce sondage montre une perception assez fidèle de ce qu’est la vie à la montagne. Même si sur certains sujets, les Français appréhendent ces conditions de vie de manière plus noire qu’elles ne le sont réellement, notamment lorsque l’on voit que 77 % des sondés pensent que l’accès aux soins est moins bon en montagne que dans les autres territoires. Même à Paris, malheureusement, il y a des déserts médicaux et une présence médicale défaillante dans certains quartiers. Il s’agit d’un problème national.
C’est la même chose pour les services publics. Les personnes interrogées estiment qu’ils sont moins bons en montagne. Mais sur la question de la présence postale, en ville aussi, dans certains quartiers, il n’y a plus de bureaux de poste. Ces sujets sont préoccupants partout mais c’est vrai qu’ils sont souvent accentués en montagne en raison de l’accès routier ou de l’éloignement de certains villages. Et cela, les Français en ont bien conscience.
Concernant l’action des pouvoirs publics sur ces territoires, les Français sont assez critiques. Cela vous surprend ?
Leur perception est un peu ambivalente. Ils considèrent que l’action publique cherche à préserver l’environnement en montagne peut être plus qu’ailleurs mais en même temps, ils sont assez nombreux à trouver que la puissance publique ne s’occupe pas suffisamment de ces secteurs. C'’est une réalité. Toute la difficulté en montagne consiste à trouver un équilibre entre le développement économique, le développement de l’urbanisation, et la préservation de l’espace et des ressources. Il faut à la fois faire en sorte d’avoir des territoires d’accueil attractifs pour l’activité touristique mais aussi pour les personnes qui y vivent toute l’année. La montagne n’est pas qu’un terrain de jeux.
L’un des autres enseignements est le peu de connaissances qu’ont les Français sur la nouvelle loi. Comment l’expliquez-vous ?
On a pourtant beaucoup parlé de cette loi au niveau national. Sur les territoires montagnards, les gens ont été plus attentifs. Mais au-delà, peut-être qu’elle a été perçue comme une loi faite pour la montagne et pas pour les autres territoires, ce qui, une fois encore, n’est pas du tout le cas. C’est un peu décevant. En revanche, ce qui nous réjouit c’est que les mesures phares de ce texte correspondent vraiment aux besoins ou aux déficits que les gens ont fait ressortir à travers le sondage.
Justement, quelles sont les mesures les plus urgentes à mettre en place ?
Le socle de la loi de 1985 était la reconnaissance de la spécificité montagne. La mesure phare de la loi était de consolider cette spécificité en la déclinant dans tous les domaines de la vie quotidienne sur lesquels il est important de porter un regard particulier. Nous l’avons par exemple travaillé sur l’accès à l’école. La problématique des seuils d’ouverture et de fermetures de classes était une question très attendue. L’objectif est d’arrêter de faire faire une heure de transport scolaire aux enfants pour aller dans des écoles situées à 15 km de chez eux, dans des routes de montagne. L’autre mesure forte réclamée était le déploiement du numérique et du mobile qui, malheureusement, piétine. Sur ce dossier, nous avons eu des positions très dures et tranchées des opérateurs, auxquelles nous nous sommes opposés. Nous avons finalement trouvé un point d’équilibre en leur mettant une pression très importante pour qu’ils mettent les bouchées doubles sur le déploiement.
Quels sont les objectifs qui leur ont été fixés ?
Ils se sont engagés à venir à l’ANEM tous les trois mois pour nous présenter l’avancée du déploiement. Nous serons très vigilants. Nous devons aller très vite sur la couverture numérique et mobile. Aujourd’hui, nous avons des secteurs de montagne qui subissent plus en plus de coupures de téléphone mobile et des zones blanches sur lesquelles il n’y a aucun réseau. Il y a une impatience numérique importante sur ces territoires car cela bloque l’activité économique. Et puis, les habitants de la montagne ont les mêmes habitudes que les gens en ville. Ils passent des commandes sur internet et ont besoin d’avoir du réseau. Aujourd’hui, on est sur ce point face à une inégalité des citoyens français.