Lyon-Juventus: Pourquoi l’OL peut vraiment s’en vouloir d’avoir lâché Miralem Pjanic en 2011
FOOTBALL•Recruté à 18 ans à Metz, le Bosnien n’a jamais totalement convaincu à l’OL, avant de s’exiler en Italie. Son retour ce mardi (20h45) en Ligue des champions avec la Juve pourrait confirmer le mauvais choix lyonnais…Jérémy Laugier
«Je suis heureux de retrouver le club où tout a un peu commencé pour moi. » A première vue, ne garde aucune rancœur envers l’OL, au moment de défier avec la Juventus Turin l’une de ses anciennes équipes (de 2008 à 2011), ce mardi (20h45) en Ligue des champions. En retraçant le parcours du Bosnien de 26 ans, du FC Metz à la Juve, un constat saute aux yeux : il aurait dû survoler la Ligue 1 à son arrivée chez le septuple champion de France.
Un talent extrêmement précoce à Metz. Miralem Pjanic n’a que 17 ans et 4 mois lorsqu’il effectue ses premiers pas professionnels au FC Metz, le 18 août 2007 face au PSG (0-0). Si en Ligue 1 est un drôle de calvaire pour le club lorrain, lanterne rouge larguée à 18 points du premier non-relégable, tout le monde se rend vite compte qu’il ne goûtera pas à la L2. « Il était le seul joueur aussi jeune à déjà être un titulaire indiscutable dans l’élite, souligne son ancien coach à Metz . Il se comportait comme un joueur expérimenté de 30 ans, mais avec une grande marge de progression. »
pour la 7e fois consécutive au bout de cette saison 2007-2008, l’OL s’intéresse sans surprise au prometteur milieu de terrain. « Je me souviens avoir échangé avec Bernard Lacombe et Rémi Garde avant un quart de finale de Coupe de France à Gerland, confie Pouliquen. Ils hésitaient à prendre Miralem. 90 minutes plus tard, ils ont dû changer d’avis ! » Ce 15 avril 2008, Metz s’incline (0-1) mais Pjanic étale en effet talent et classe comme jamais (vidéo ci-dessous).
La pression de succéder à Juninho à Lyon. Deux mois plus tard, contre une coquette somme de 7,5 millions d’euros. Mine de rien, cela fait déjà une petite pression pour un gamin de 18 ans. Manque de chance, son arrivée coïncide avec celle de Claude Puel sur le banc lyonnais et la fin de l’incroyable hégémonie lyonnaise. Et pour compléter le tableau, l’idole Juninho vit sa dernière saison dans le Rhône. « Il n’avait que 18 ans et le club lui demandait de vite devenir le successeur de Juni, indique son ancien partenaire Sidney Govou. C’était trop d’un coup pour un jeune joueur venant de Metz. L’OL aurait dû être plus patient avec lui. »
L’aventure commence (hyper) doucement, avec une fracture du péroné, seulement 20 matchs de Ligue 1 (5 titularisations), 0 but et 1 seule passe décisive pour sa première saison. « Bordeaux s’intéressait aussi à Miralem en 2008, confie Yvon Pouliquen. Je lui avais conseillé de signer là-bas car selon moi, c’était l’équipe idéale afin de jouer davantage qu’à Lyon. » Comme quoi, l’heure de gloire de chez les Girondins s’est peut-être jouée là.
Sacrifié au profit de Grenier et Gourcuff. Même si sa saison suivante est d’un tout autre niveau (6 buts et 7 passes décisives en L1), l’ambitieux Pjanic n’est pas du genre à se contenter de 27 titularisations sur toute une année. « C’est un amoureux du jeu, décrypte Pouliquen. Quand je lui enlevais ne serait-ce qu’un entraînement pour le préserver, il venait dans mon bureau pour me convaincre qu’il pouvait y participer. » Pourquoi l’OL a-t-il donc accepté de s’en séparer, en 2011, à deux ans de la fin de son contrat ?
Était-il brillant mais pas assez bosseur ? « Non, Miralem est un travailleur, il ne se contente pas de son talent », assure . Son gabarit était-il alors trop frêle pour vraiment exister au niveau international ? « Non, il avait une telle intelligence de jeu qu’il se débrouillait pour éviter les duels », répond Yvon Pouliquen. Il n’était pas assez décisif dans les grands rendez-vous ? « Non, on ne ressentait pas de pression chez lui, même avant de gros matchs », poursuit son ancien coach dans son club formateur. Après tout, sa demi-volée en 8e de finale retour , le 10 mars 2010, a offert à l’OL l’un de ses plus grands exploits en Ligue des champions contre le Real Madrid (1-0 ; 1-1).
aEn fait, Jean-Michel Aulas a misé très (trop) lourd sur Yoann Gourcuff en 2010, mais aussi sur Clément Grenier, alors grand espoir du club en 2011, et sur le Brésilien Ederson (à l'OL de 2008 à 2012). Ces trois joueurs au profil proche de Pjanic (seulement 3 buts et 2 passes en L1 en 2010-2011) rendent le Bosnien transférable lorsque présente 10 millions d’euros.
« Je savais que je pouvais perdre Miralem durant ce mercato, avait alors expliqué , devenu entraîneur de l’équipe première. Ça pouvait permettre au club de passer une période économique difficile et ça m’a permis de garder un élément comme . » Question de priorité… « En France, on ne voit un jeune joueur aussi talentueux qu’une fois tous les dix ans, insiste pourtant Yvon Pouliquen. Dans un registre différent, Rennes a récemment eu Ousmane Dembélé. »
Une dimension colossale en Italie. « Je me suis toujours dit que c’était une erreur de laisser partir Miralem, confirme Sidney Govou. Il avait déjà ce talent à Lyon et ça ne m’étonne pas qu’il soit devenu aujourd’hui un grand joueur en Italie. » Son éclatante dernière saison à l’AS Roma (10 buts et 12 passes décisives en Série A) symbolise son changement de dimension.
« J’ai plus d’expérience. J’ai eu une progression constante. Ça m’a fait du bien de partir et de mûrir en Italie », a volontiers reconnu l’intéressé lundi en conférence de presse. Pour franchir un nouveau cap, après quatre saisons dans la capitale, Pjanic s’est engagé cet été pour un montant de 32 millions d’euros. « Quitter Rome pour rejoindre Turin était la meilleure chose à faire pour lui. Il a eu de petits soucis pour s’intégrer mais il est déjà très apprécié dans son nouveau club », estime Giulia Borletto, journaliste à .
Un tireur de coups francs hors pair. S’il devrait partager cette responsabilité avec Gonzalo Higuain ce mardi, Miralem Pjanic va sans doute faire frissonner le Parc OL à chaque coup franc obtenu près du but d’Anthony Lopes, comme Pirlo deux ans plus tôt. Mine de rien, rien que dans ce domaine, les Lyonnais peuvent nourrir des regrets, vu que seul Grenier (non retenu contre la Juve) peut parfois y être dangereux.
« Passer un an aux côtés du meilleur tireur de coups francs du monde lui a été utile. On le voyait un peu copier la technique de frappe de Juni », sourit Sidney Govou. Au sommet de son art, à 26 ans, Miralem Pjanic a à son tour basculé dans la case des modèles que les jeunes joueurs tentent d’imiter. L’OL espère ne pas trop l’apprendre à ses dépens, six ans après l’un de ses les plus discutables.