Affaire Barbarin: Les victimes déterminées à aller jusqu'au bout après le classement sans suite
PÉDOPHILIE DANS L'EGLISE•Les plaignants, membres de «La Parole Libérée», envisagent d'autres suites judiciaires...Elisa Frisullo
Après plus de six mois d’une longue bataille pour « briser l’omerta » dans l’Eglise, forcément, la nouvelle les a surpris, déçus. Mais pas abattus. Suite au classement sans suite de l’enquête préliminaire pour non-dénonciation d’agressions sexuelles sur mineurs visant le cardinal Barbarin, les victimes présumées du Père Preynat, réunies au sein de La Parole Libérée, affichent une détermination à toute épreuve.
Car pour ces anciens scouts de la paroisse Saint Luc à Sainte-Foy-lès-Lyon, qui, en libérant leur parole, ont fait éclater le scandale de la pédophilie dans le diocèse de Lyon et bien au-delà des frontières de la métropole, l’enjeu reste de taille. « L’objectif, depuis le début, est moral. Il s’agit bien de prise de conscience, que ce sujet soit abordé dans tous les foyers de France. Pour cela, nous avons fait le job. Mais pour ce qui est de la prévention, pour que ces affaires de prêtres qui ont été déplacés en connaissance de cause ne se reproduisent jamais, ce n’est pas moins le problème de la société et des politiques que le nôtre », confie François Devaux, président de La Parole Libérée.
Des compléments d’enquête nécessaires selon les victimes
Pour cet ancien scout, comme pour les dizaines d’anciennes victimes présumées du père Preynat et les nombreux soutiens de l’association, le non-lieu prononcé par le parquet de Lyon est un « non-sens ». Ce classement sans suite repose sur deux fondements. Sur le volet visant la « non-assistance à personne en danger », le procureur a estimé qu’il n’y avait pas péril imminent car les derniers abus sexuels imputables au père Preynat remontent à plus de 25 ans. Pour l’heure, la justice n’a pas connaissance de victimes post 1991.
Concernant la non-dénonciation également reprochée au primat des Gaules, ce dernier a affirmé avoir rencontré pour la première fois une victime du père Preynat en 2014. Il a ensuite déclaré avoir entendu parler de l’affaire, via un tiers, en 2007-2008.
Or si l’enquête a confirmé que les autorités diocésaines avaient eu épisodiquement connaissance de soupçons visant ce prêtre au cours d’une période allant de 2005 à 2010, celle-ci est couverte par la prescription, de trois ans pour les faits de non-dénonciation.
Des points juridiques qui ne suffisent pas selon La Parole Libérée à stopper les investigations. Pour obtenir la poursuite de l’enquête dans l’affaire Barbarin, François Devaux envisage de saisir un juge d’instruction en se constituant partie civile. « Nous allons aller jusqu’au bout de la procédure judiciaire. Car aujourd’hui, le message qui est envoyé aux cardinaux, c’est : « continuons d’enterrer, gérons en silence, et après trois ans on ne risque plus rien » », estime le président de l’association.
« La justice confirme que le cardinal savait depuis bien longtemps »
« La justice offre un recours avec cette constitution de partie civile. Dans l’intérêt de la manifestation de la vérité, nous pensons qu’il est nécessaire de l’utiliser. Il nous semble qu’un temps de complément d’enquête et d’expertise s’impose. Nous sommes convaincus qu’il y a eu des défaillances et il y a eu beaucoup de confusion du côté du diocèse, notamment en ce qui concerne les différentes dates évoquées par l’archevêque Barbarin », ajoute le secrétaire de l’association, Bertrand Virieux, déçu également par ce classement sans suite.
« Le cardinal échappe à une mise en examen car il y a une règle de droit qui dit qu’il est couvert par la prescription de trois ans. Cela signifie donc qu’il était au courant des agissements du Père Preynat depuis bien longtemps », ajoute l’ancien scout.
La Parole libérée se laisse l’été pour décider, avec ses avocats, des suites précises à donner à cette affaire. Mais une chose est sûre, dans le rang des anciens scouts, le combat pour protéger d’autres petites victimes potentielles, n’est pas achevé. « En revanche, si nos recours n’aboutissent pas, on aura posé le débat. Ce sera ensuite aux politiques et à la société de s’en emparer », ajoute François Devaux. « On aura fait tout ce qu’il nous était possible de faire ».