Prêtre soupçonné de pédophilie: Quel avenir pour l'archevêque Philippe Barbarin?
ENQUÊTE•« 20 Minutes » fait le point sur l’affaire qui agite le diocèse de Lyon, visé par une enquête préliminaire pour « non-dénonciation d’agressions sexuelles sur mineurs »…Elisa Frisullo
En pleine tourmente depuis la mise en examen, le 27 janvier, du prêtre Bernard Preynat, soupçonné d’agressions sexuelles sur d’anciens scouts, l’église lyonnaise va désormais devoir rendre des comptes aux autorités judiciaires. Une enquête préliminaire a été ouverte par le parquet de Lyon pour « non-dénonciation d’agressions sexuelles sur mineurs de moins de quinze ans » et « mise en danger de la vie d’autrui », suite à un signalement de victimes présumées.
L’une d’elles, François Devaux, a en effet déposé plainte contre le Primat des gaules, mais également contre son directeur de cabinet Pierre Durieux, Régine Maire, membre du Conseil épiscopal du diocèse, Xavier Grillon, vicaire du diocèse de Roanne, le cardinal Muller, préfet de la congrégation de la doctrine de la foi à Rome, et son secrétaire Luis Ladaria Ferrer. Un nouveau volet, dans cette affaire embarrassante pour l’église, qui entraîne inévitablement de nombreuses questions sur l’avenir de Philippe Barbarin.
- Que risque le cardinal sur le plan judiciaire ?
Si l’enquête aboutit et que les personnes visées par la plainte sont poursuivies, le premier évêque de France, qui a indiqué vendredi, par voie de communiqué, qu’il coopérerait « avec sérénité et confiance avec la justice », sera jugé. Pour les faits de dénonciation d’agressions sexuelles sur mineurs de moins de 15 ans, la peine encourue est de trois ans de prison ferme et 45.000 euros d’amende.
En 2001, Monseigneur Pican, alors évêque de Bayeux-Lisieux (Calvados) avait été condamné à trois mois de prison avec sursis pour ne pas avoir dénoncé l’un de ses prêtres, condamné en 2000 à 18 ans de prison pour le viol d’une douzaine de jeunes garçons. C’était alors la première fois qu’un responsable hiérarchique de l’église de France était mis en cause dans ce genre d’affaires.
- L’archevêque se défend d’avoir couvert des actes pédophiles
En janvier, il avait indiqué avoir reçu le premier témoignage d’une victime présumée du prêtre en 2014, puis avait finalement reconnu un mois plus tard, avoir eu connaissance du passé du père Preynat en 2007-2008. L’archevêque de Lyon assure toutefois « ne jamais avoir couvert d’actes pédophiles », et avoir agi avec Bernard Preynat, dont le passé avait été traité par ses trois prédécesseurs, en étant « convaincu que ce prêtre avait rompu avec son passé ». Pour appuyer ces propos, le diocèse rappelle d’ailleurs, dans son communiqué, que si « on sait que les faits sont plus nombreux et plus graves que ce qu’il semblait en 2007-2008, aucun n’est, à notre connaissance, postérieur à 1991 ».
- Le cardinal soutenu par l’Eglise
Un temps évoquée par l’une de ses proches, la démission de l’archevêque ne semble pas à l’ordre du jour. Samedi, la Conférence des évêques de France a assuré le cardinal de « son soutien et de ses prières », et a réaffirmé la « politique de fermeté menée par les évêques de France depuis plus de 15 ans sur ces questions de pédophilie ». Le Primat des Gaules bénéficie également du soutien du Vatican, dont on imagine toutefois l’embarras sur cette affaire, eu égard aux récentes déclarations du pape sur la pédophilie.
En février dernier, le Saint-Père, qui affiche une tolérance zéro vis-à-vis de la pédophilie, avait déclaré dans l’avion le ramenant de son voyant Mexique : « Un évêque qui change de paroisse un prêtre alors qu’il sait qu’il est pédophile est un inconscient et la meilleure chose qu’il puisse faire est de présenter sa démission ».
Le lendemain, le porte-parole du Vatican Frédérico Lombardi avait précisé que la déclaration du Pape ne visait en aucun cas l’archevêque de Lyon mais des scandales survenus aux Etats-Unis et au Mexique. « Le cas du cardinal Barbarin est complètement différent : il n’a absolument pas pris d’initiatives pour couvrir [ces faits], mais il s’est trouvé face à une situation qui remontait à des années auparavant », avait-il déclaré.
- Les appels à la démission de l’archevêque se multiplient
Depuis plusieurs semaines, les appels à la démission de l’archevêque sont relayés sur Twitter sous le haschtag #barbarindemission. Une pétition, destinée au Pape, a également été mise en ligne récemment pour demander la « démission immédiate du cardinal Barbarin ». Samedi, le député de Seine-et-Marne Yves Jegot s’est également dit favorable au retrait de l’archevêque.
« Ce serait bien qu’il prenne la décision lui-même, de se protéger et de protéger l’institution qui est la sienne », a indiqué l’élu centriste. L’ancienne ministre Roselyne Bachelot s’est, elle, fendue d’un tweet cinglant ce week-end. « Mgr Barbarin défilait contre le mariage homosexuel au motif de protéger les enfants. Il devrait garder ses forces pour de meilleurs combats ! », a-t-elle écrit sur son compte Twitter.