Lyon: Des chercheurs créent des spermatozoïdes in vitro
SANTE•Cette prouesse, présentée comme une première mondiale, pourrait révolutionner le traitement de l'infertilité masculine...Caroline Girardon
La prouesse est de taille et suscite un réel espoir. Pour la première fois au monde, selon eux, des chercheurs lyonnais de la société de biotechnologie Kallistem ont réussi à créer des spermatozoïdes in vitro. Une découverte qui pourrait bien révolutionner dans les prochaines années le traitement de l’infertilité masculine.
« Il ne s’agit pas de sperme artificiel », prévient Philippe Durand, à l’initiative du projet. « On utilise des cellules testiculaires déjà existantes », poursuit-il. Ces cellules, appelées spermatogonies, sont celles qui au fil des jours, mutent pour donner naissance aux spermatozoïdes.
Vingt-trois années de recherche nécessaires
« Mais lorsqu’elles ne vont pas jusqu’au bout, le processus de transformation est bloqué. Ce qui explique que certains hommes sont infertiles », précise Philippe Durand. « Le but est de compenser ce manque par une production in vitro, de façon à ce que les patients aient leurs propres spermatozoïdes. »
Les chercheurs ont donc prélevé ces spermatogonies, qu’ils ont ensuite cultivées à l' « extérieur ». « Il a fallu vingt-trois ans de recherche pour trouver les bonnes conditions de culture », dévoile Marie-Hélène Perrard, cofondatrice de Kallistem. « Nous avons commencé par travailler sur des cellules de rat, puis de singe et enfin des cellules humaines, à partir de 2013. »
Un espoir pour les enfants atteints d’un cancer
Cette découverte pourrait ainsi permettre de résoudre 30 à 50 % des problèmes d’infertilité masculine. Et plus encore puisqu’elle pourra aider les enfants malades. « Aucun traitement n’existe aujourd’hui pour préserver la fertilité des petits garçons atteints de cancer. On sait que la chimiothérapie, par exemple, altère grandement les possibilités de reproduction », explique Philippe Durand.
« Avec cette nouvelle technique, ajoute-t-il, on pourra créer des spermatozoïdes qui seront ensuite congelés. Une fois adulte, le patient pourra les utiliser pour une fécondation in vitro. »
Cinq ans avant les premiers essais cliniques
Les essais cliniques ne devraient pas commencer avant cinq ans. « Il faut d’abord que l’on valide la qualité des spermatozoïdes en faisant naître des rats, précise Philippe Durand. Il faut s’assurer que ces petits ratons aient par la suite un comportement normal et qu’ils puissent se reproduire. » Ensuite, des tests seront effectués sur les spermatozoïdes humains créés in vitro.
Quant aux questions éthiques et génétiques que ce procédé pourrait soulever ? Philippe Durand se veut rassurant : « On ne fait rien de plus que soigner les gens. On essaie de compenser un problème in vivo. Mais en aucun cas, on ne va bricoler des cellules germinales. »