Olympique Lyonnais: Sur les traces de Nabil Fekir, de Vaulx-en-Velin à Saint-Priest
FOOTBALL•Non conservé par le centre de formation lyonnais à 15 ans, la révélation de la Ligue 1 s'est construite durant plusieurs saisons loin du monde professionnel...Jérémy Laugier
«Dans la région, tout le monde a toujours connu le petit Nabilon du FC Vaulx.» Adversaire de Nabil Fekir en débutant à Villeurbanne, Kémil Sebaa a ensuite évolué avec lui en U19 nationaux à l’AS Saint-Priest (2010-2011). Car si tous ses jeunes partenaires lyonnais ont grandi au centre de formation de l’OL, la sensation de la L1 (11 buts et 7 passes avant le déplacement à Marseille dimanche) a dû passer plusieurs saisons dans des clubs amateurs avant de retrouver le maillot de ses rêves, à 18 ans.
«Ça m’a toujours semblé évident qu’il serait professionnel mais Lyon le trouvait trop petit», explique Mathias Galdenao, directeur sportif du FC Vaulx-en-Velin, où Nabil Fekir (blessé sept mois au genou en U15 à l'OL) a notamment trouvé refuge en U17 Honneur. «Ce joueur m'a toujours intéressé avec sa technique hors du commun, confie Gérard Bonneau, responsable de la cellule de recrutement des jeunes de l'OL depuis 2003. J'ai été très surpris que le club ne souhaite pas le conserver mais il est parfois difficile d'évaluer un jeune à 15 ans. J'ai quand même continué de le suivre à l'AS Saint-Priest, avant de chercher à le faire revenir.»
«Au contraire de nombreux tricoteurs, il y avait toujours un truc au bout»
Là-bas, Nabil Fekir va prendre part à une drôle d’aventure humaine avec le seul club amateur de sa poule nationale. Entraînements «sur un champ de patates», rendez-vous à 4h du matin pour certains matchs car l'ASSP ne peut prendre en charge hôtel et avion, le Villeurbannais est gâté...
«En tant qu'ailier gauche, il était aussi virtuose que combattant. Il a passé sa saison à ridiculiser ses adversaires. Mais attention, au contraire de nombreux tricoteurs, il y avait toujours un truc au bout», se souvient son ancien entraîneur Robert Mouangué. «Ce ne sont pas des cuisses qu'il a mais des arbres, s'amuse Kémil Sebaa, milieu défensif de cette équipe reléguée en juin 2011 malgré neuf succès à domicile. Il peut résister à tous les contacts. Cette saison-là, il n’a dû marquer qu’un ou deux buts. Par contre, il était choquant quand il partait dans ses dribbles et il a provoqué une dizaine de penalties.»
«On vit tous ça comme un rêve à l'OL»
Pour sa première saison comme titulaire à l’OL, à 21 ans, il est déjà le meilleur en Europe dans ce registre avec cinq penalties obtenus en L1. «Mais lui aurait-on donné cette faculté à éliminer dans un centre de formation comme cela a été le cas chez nous?», s’interroge Lionel Montero, directeur technique à Saint-Priest. Ce talent si particulier a sans doute été façonné par ce parcours qui l’est tout autant.
«Si on l'avait gardé, rien ne dit qu'il aurait connu la même trajectoire avec les pros, lance également Gérard Bonneau. La belle histoire, c'est que Nabil a accepté de ne pas être conservé au centre de formation et qu'il se soit lancé le défi de revenir sans rancœur. Depuis, il a tout balayé sur son passage et on vit tous ça comme un rêve à l'OL.»
«D'autres talents auraient peut-être percé avec cet entourage-là»
Pourtant, dès la trêve hivernale de sa saison san-priote, le Nîmes Olympique se démène pour le recruter, juste avant l'OGC Nice et... l'ASSE. Alors en partenariat avec l'OL, Saint-Priest prévient le club lyonnais des différents prétendants, avec la suite qu'on connaît. Ironie de l'histoire: déçu de son partenariat avec l'OL (et de n'avoir touché aucun droit de formation pour Nabil Fekir), l'ASSP s'est depuis cinq mois rapproché des Verts. «Aujourd'hui, nous aurions peut-être favorisé l'approche stéphanoise auprès de Nabil», reconnaît Lionel Montero.
Mais le solide gaucher (1m73, 72kg) s'est toujours vu s'épanouir dans sa ville natale, même s'il devait faire ses preuves à 18 ans avec un contrat stagiaire de deux années guère avantageux. «Ça montre la trempe du gars car certains se seraient vengés en choisissant le club ennemi», souligne Robert Mouangué, qui met en avant le rôle joué par son père et son oncle. «D'autres talents de la région auraient peut-être percé avec cet entourage-là...»
«Croyez-moi, il peut prétendre un jour au Ballon d’Or»
Kémil Sebaa loue la simplicité de celui qui passe dès qu'il peut saluer ses potes du quartier des Buers, à Villeurbanne. Il tient aussi à commenter les rumeurs annonçant ses exigences salariales multipliées par dix (de 40.000 à 400.000 euros par mois).
«Ça me choque d'entendre ça. Jamais de la vie Nabil ne pourrait se montrer aussi gourmand. Il sait d'où il vient», assure son ami, qui a toujours cru en sa réussite. «Croyez-moi, il peut prétendre un jour au Ballon d’Or. Et c'est inimaginable qu'il prenne la grosse tête, il est trop digne pour ça», conclut Kémil.