Lyon: Des salariés handicapés témoignent
HANDICAP•A l'occasion de la semaine de l'emploi des personnes handicapées, «20 minutes» est allé rencontrer des travailleurs handicapés dans leur entreprise...Caroline Girardon
Sur son handicap, elle préfère rester discrète. «J'ai la chance qu'il ne soit pas visible», explique Laëtitia, chargée de gestion chez April. Depuis quelques années, la vue de la jeune femme s'est dégradée. «Ce n'était pas le cas, avant d'être embauchée, raconte-t-elle. Heureusement, tout a été mis en place pour que je reste à mon poste.» La mission Handicap d'April a fait intervenir un ergonome et son écran d'ordinateur a été équipé d'agrandisseurs.
Pour Adel, 37 ans, la situation a été plus délicate. A 37 ans, ce père de famille souffre de sclérose en plaque. «C'est une maladie qui fatigue énormément, témoigne-t-il. Même après une bonne nuit de sommeil, vous ne rechargez pas totalement vos batteries. Au réveil, je ne suis qu'à 60% de mes capacités. Après une demi-journée de travail, je suis généralement épuisé.» De fait, il a été autorisé à utiliser quotidiennement la salle de repos pendant la pause déjeuner. «Cela ne parait pas grand-chose mais ça m'a énormément aidé», poursuit Adel. Puis, sa santé s'est dégradée.
Les trajets en taxi financés par l'entreprise
«Jusqu'au printemps dernier, je pouvais encore conduire. Mais un matin en me rendant au travail, j'ai grillé quatre feux rouges. J'étais incapable de débrayer. Je me servais de mes bras pour soulever ma jambe. Je n'ai pas pu freiner.» Depuis ce jour, Adel vient travailler en taxi. Les allers-retours sont pris en charge par la mission handicap, le temps qu'il puisse acheter une voiture équipée. Ne pouvant plus se déplacer avec ses cannes, l'homme a également été contraint de s'équiper d'un fauteuil. «Au départ, l'entreprise m'en a prêté un. Ensuite, elle a financé la moitié de celui que j'ai acheté.»
«Cela lui permet de circuler dans l'entreprise et de ne pas couper le lien social, explique Delphine Gallay qui pilote la mission handicap diversité pour April. En France, l’entreprise recense 3% de salariés handicapés. C'est deux fois plus qu'il y a trois ans mais c'est encore loin des 6 % exigés par la loi. Résultat: l'entreprise verse une amende de 250.000 euros.
80% des handicaps invisibles
«On s'était fixé comme objectif de recruter entre 2012 et 2014, 36 personnes en situation de handicap, dont au moins 15 en CDI. Aujourd'hui, nous en sommes à 75 dont 22 CDI, note Delphine Gallay. On va continuer dans ce sens». Et de poursuivre : «Les gens pensent que cela coûte cher de recruter des salariés handicapés. Mais non. 80% des handicaps sont invisibles. Sur trois ans, nous avons eu à débourser que 20.000 euros.»
Mais cette ancienne éducatrice spécialisée le reconnaît: il n'est pas toujours aisé de recruter des personnes handicapées: «Cela n'aurait pas de sens d'embaucher un salarié, uniquement parce qu'il est handicapé. Il faut qu'il ait les compétences requises et un savoir être. Or, on a parfois du mal à trouver des niveaux équivalents à bac + 4, notamment parce qu'en France, les personnes handicapées ne se voient pas proposer les mêmes formations que les autres.»