Lyon: Le procureur requiert volontairement «des peines sévères» dans le procès des skins
JUSTICE•Des peines d'un à cinq ans de prison ferme ont été demandées à l'encontre des huit prévenus...Caroline Girardon
«Dans cette affaire, on est à la lisière du criminel». Debout, Thierry Luchetta, procureur de la République de Lyon, martèle ses propos, ne lâchant pas les prévenus du regard. Assis devant les parties civiles, les huit hommes âgés de 21 à 26 ans, poursuivis pour avoir «sauvagement agressé» un couple à la sortie d'un concert à Villeurbanne en 2011, ne brochent pas. Seuls quelques mouvements de genou trahissent parfois leur nervosité.
Des peines allant d'un an de prison (susceptible d'aménagement) à 5 ans de prison ferme ont été requises à leur encontre. «Ce n'était pas une agression fortuite mais préméditée. Les victimes sont tombées littéralement dans un guet-apens», lâche le procureur de la République ajoutant que les prévenus, proches des mouvements identitaires ou nationalistes, «sont venus casser du gauchiste».
«Oui, ils n'étaient pas venus pour visiter Villeurbanne et observer ses beautés architecturales, poursuit-il ironiquement. Cet acte, je le répète, a été inspiré par des opinions politiques.»
«Un comportement d'une très grande dangerosité»
«Les deux victimes ont été lynchées à coups de ceinture, de battes de base-ball, de bouts de bois et de coups de pied, s'emporte à la barre Bertrand Sayn, leur avocat. On a voulu les salir. Ils ont été laissés la nuit, seuls, agonisant dans leur sang.» Décrivant à la barre «un couple d'amoureux qui avait des projets, du travail et de la volonté», l'avocat s'attache à dépeindre leur calvaire: deux mois sans marcher pour elle, des migraines à répétition, des piqûres de morphine pour tenter de calmer les douleurs et la peur de sortir de chez elle.
«Elle aurait pu mourir, insiste Bertrand Sayn. Elle avait tellement peur que ça recommence qu'elle a quitté le pays pour vivre seule en Angleterre.» Et de poursuivre: «De tous leurs projets, il ne reste rien aujourd'hui». Le couple a fini par se séparer. Lui, reconnu comme handicapé, vit en permanence «avec son sac de médicaments» pour combattre son stress et ses soudaines crises d'épilepsie. Ayant «la phobie du monde», il n'arrive plus à sortir de sa maison, même en présence de sa famille et vit quasiment reclus à la campagne.
«Des fois, on ne réfléchit pas»
Dénonçant «un acharnement» des agresseurs, «un comportement d'une très grande dangerosité» Thierry Luchetta en a appelé à la fermeté, même à l'égard des quatre prévenus qui n'ont pas porté de coups aux victimes. «Vous n'étiez pas de simples spectateurs. Vous n'étiez pas tétanisés par la peur. Au contraire, vous étiez excités à l'idée de faire cela. Vous n'avez pas appelé les secours, ni tenté e vous interposer. Vous êtes partis sans vous préoccuper de l'Etat des victimes».
En face, certains prévenus tentent de faire amende honorable. Décrite comme une «personnalité assez fragile», Benjamin, 25 ans, dit avoir pris un certain recul. «Des fois, on ne réfléchit pas. Je n'ai jamais été d'extrême droite mais plutôt de la droite traditionnelle», explique-t-il. Aujourd'hui, le jeune homme «très croyant» confesse «converser régulièrement avec des prêtres pour apprendre certaines choses» sur lui. Qualifié de «post-adolescent» au moment de l'agression, Samuel qui a adopté un look de hipster depuis, avoue avoir «été dépassé par les événements».
«Délit contre la démocratie»
Florian jure désormais qu'il se «consacre désormais pleinement à sa vie professionnelle» même si l'on ne «peut pas changer le passé.» «Je n'ai pas repris contact avec le groupe, ça a été un choix. J'ai mis ça derrière moi.» «Les individualités peuvent se perdre dans un groupe», se justifie Thibaut chez qui les enquêteurs avaient retrouvé des milliers de tracts anti musulmans.
Des réponses qui laissent de marbre le procureur. «C'est un délit contre la démocratie et la liberté d'expression. Il y avait la volonté de museler l'opinion contraire» , conclut-il regrettant l'«absence d'empathie» des agresseurs à l'encontre de leurs victimes. L'audience devait se poursuivre jusque tard en soirée avec les plaidoiries de la défense. La décision devrait être mise en délibéré.