Paul Bocuse : «La tradition, c'est l'avenir»

Paul Bocuse : «La tradition, c'est l'avenir»

Interview du chef cuisinier, trois étoiles au Michelin depuis 1965
©2006 20 minutes

©2006 20 minutes

Paul Bocuse, chef cuisinier, trois étoiles au Michelin depuis 1965.

A partir de demain, les Halles vont porter votre nom. Cela va-t-il changer quelque chose pour le « ventre de Lyon » ?

Sincèrement, je ne crois pas que mon nom adossé à celui des Halles changera quelque chose. Les Halles, c'est l'âme des producteurs de cette région. Elles sont déjà célèbres. Et vu que moi aussi, je ne vois pas ce que cela pourra apporter à l'un ou à l'autre.

Comment expliquez-vous ce choix alors ?

C'est le maire de Lyon Gérard Collomb qui me l'a proposé. Je ne sais pas exactement pourquoi. Peut-être a-t-il ainsi voulu me remercier d'avoir été l'un des premiers à m'installer à Vaise avec la brasserie L'Ouest quand il était maire du IXe arrondissement ? Mais ça me plaît plutôt de voir mon nom associé à celui des Halles. C'est très flatteur. Je suis un peu comme le Bon Dieu, je ne me lasse pas d'être loué à chaque messe...

L'empire Bocuse continue donc de s'étendre...

Oui, et jeudi dernier, j'ai posé à Vaise, dans le futur cinéma Pathé, la première pierre d'un nouveau concept, L'Ouest Express. Il s'agit d'une brasserie où on pourra manger pour 6 à 10 euros, des plats de restauration rapide, mais confectionnés par de vrais chefs. Des trucs très nature, très légumes. Et je compte en ouvrir trois autres à Lyon.

Des projets à l'étranger ?

Je vais ouvrir quatre brasseries Paul Bocuse au Japon. La première sera lancée le 21 janvier 2007 à Tokyo. Les chefs, tous japonais, seront formés à Lyon. Les Japonais sont des grands connaisseurs de cuisine française. Ils ont compris que la tradition, c'est l'avenir.

L'édition 2007 des Bocuse d'Or, que vous avez créés il y a vingt ans, est présidée par Heston Blumenthal, un défenseur de la cuisine « moléculaire ». Vous appréciez ?

Pas vraiment. J'aime la cuisine « identifiable », celle où l'on voit les os et les arêtes. On oublie souvent que le plus difficile en cuisine, c'est de réussir les choses simples. Je ne suis pas certain que la cuisine moléculaire traverse ce siècle. Vu le modèle économique de la gastronomie, l'idée qu'un gars passe cinq heures à faire une émulsion de je-ne-sais-pas-quoi, puis une heure avec chaque client pour lui expliquer ce qu'il est en train de manger, me semble difficile à tenir.

Pensez-vous passer la main un jour ? Certains évoquent Alain Ducasse pour reprendre vos affaires.

J'y réfléchis. Pour Ducasse, j'ai des doutes. Il y a peu, il donnait un entretien à Paris Match et il s'est débrouillé pour avoir la photo de sa tête en plein dans la pliure... Il a encore beaucoup à apprendre (rires). Plus sérieusement, cela me plairait que mon fils Jérôme, qui dirige mes affaires aux Etats-Unis prenne ma relève. Mais, pour l'instant, il ne veut pas. J'aimerais pourtant que mon restaurant reste en famille.

Recueilli par Matt Gallet