Quel a été le rôle des femmes dans la protection des oiseaux en France ?
ANIMAUX•Nos voisins, les Anglo-Saxons notamment, ont toujours été beaucoup plus prolixes et passionnés par la nature et les animaux que nous Français, comme l’explique l’historienne Valérie Chansigaud. Comment l’expliquer ?Le Monde des animaux
Au XIXe siècle, les femmes ont joué un rôle important dans l’émergence des grands mouvements de protection des oiseaux, qui ont été en quelque sorte à l’avant-garde de la protection de la nature. Les grandes structures qui regroupent des dizaines, voire des centaines de milliers de personnes en Allemagne, en Angleterre, ou aux États-Unis, sont ainsi composées à 70 % de femmes.
Et en France ?
À la même époque, les mouvements de protection des oiseaux sont inexistants en France et lorsque le premier (la LPO – Ligue de protection des oiseaux) apparaît, il est composé de quelques dizaines de personnes tout au plus, et exclusivement des hommes. Ce qui manque en 1912, ce ne sont pas les amoureux des oiseaux, mais les femmes amoureuses des oiseaux !
Ce qui explique cette différence avec l’Allemagne et l’Angleterre, c’est sans doute une possibilité plus grande, dans la culture des Français, y compris politique, d’un accès des femmes aux questions sociales. En effet, la protection des oiseaux, telle qu’elle est envisagée dans les autres pays, n’est pas une question scientifique ou biologique, c’est avant tout une question morale et d’organisation politique. Il s’agit de construire une société qui soit meilleure, en évitant un excès de cruauté et d’égoïsme à l’égard des oiseaux. Or, les femmes sont naturellement porteuses de cette question politique. En France, comme les droits des femmes vont être reconnus beaucoup plus tard que dans les autres pays, elles vont manquer à la cause, tout naturellement.
L’importance de la démocratie
L’essor de l’intérêt de la nature et de sa protection est étroitement lié à l’essor d’une société libérale qui cultive le goût pour une société réglée par le droit et des valeurs morales. Or, historiquement, la France est clairement en retard sur ce terrain, et le problème est que nous ne pouvons pas imaginer une protection de la nature efficace sans passer par la démocratie. Il est impossible de sauvegarder cette nature si la démocratie n’est pas saine et fonctionnelle. Et la France a quelques défaillances en la matière.
Prenons l’exemple de la chasse. En Allemagne, il existe plusieurs fédérations de chasse auxquelles les chasseurs sont libres d’adhérer, alors qu’en France il n’en existe qu’une seule. On se trouve ainsi dans un système de parti unique comme dans certaines tyrannies sud-américaines. Il est alors légitime de s’interroger sur la façon dont les décisions sont prises. Le problème n’est pas que les chasseurs puissent s’exprimer, mais qu’ils le fassent dans une situation de monopole et de rapport de force avec l’ensemble de la société. Établir d’autres règles de fonctionnement serait la base de la démocratie.
Retrouvez les interviews de Valérie Chansigaud par Yolaine de la Bigne sur www.lanimaletlhomme.com
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