CocciClelia, bookstagrameuse et contributrice du groupe de lecture 20 Minutes Books, vous recommande « A l’encre rouge » de Marjorie Tixier, paru le 5 janvier 2023 aux Éditions Fleuve.

Sa citation préférée :

« On a une voix, ou on ne l’a pas » »

Pourquoi ce livre ?

• Parce que contrairement à ses autres livres, Marjorie Tixier, ici, n’utilise pas le traumatisme comme un moteur pour se reconstruire, se réinventer, elle n’utilise pas la résilience pour avancer. Dans ce nouveau livre, on a bien un traumatisme, celui d’une femme devenue mère sans l’avoir souhaité, mais ce sera sa fille qui va devoir se construire et se reconstruire, à cause de la psychose, de l’obsession, de la jalousie, de l’emprise quasi morbide que sa mère va exercer sur elle. Marjorie Tixier, nous plonge dans un roman plus dur que les précédents, et qui laisse bien peu de place à l’espoir.
• Parce que le titre à lui seul ne laisse pas indifférent. « A l’encre rouge » : comme l’image du sang maternel, donné en échange d’une vie, comme l’écot payé pour une revanche sur le destin. Comme la couleur de l’interdit, du stylo qui impose la correction. Comme le rouge à lèvres ou le vernis à ongles des actrices, chanteuses dans les magazines, sur les pages de papier glacé. Ce livre parle des liens du sang, de l’écriture, de la musique, et de nos chemins de vie. On retrouve ce destin, dans le jeu de mots proposé par la citation que j’ai choisie : voix pour le chant, ou voie pour le destin.
• Parce que l’auteure par un tissage méticuleux et brillant, va créer une toile de suspens plaçant Lysiane au centre, l’araignée et Jolene dans le rôle de la proie. La toile c’est le rêve maladif, l’obsession qui va prendre les dimensions d’une psychose, d’une emprise totale sur sa personne. Lysiane va projeter ce rêve sur sa fille, espérant ainsi prendre une revanche sur la vie. Fière, jalouse, inconsciente, elle a la conviction d’avoir tous les droits sur la vie de son enfant, si elle n’a pas eu « la chance » de devenir célèbre, elle le sera à travers elle. Elle veut sa revanche sur le destin.

L’essentiel en 2 minutes

L’intrigue. Lysiane, petite fille, rêveuse, issue d’une famille d’aubergistes, travailleurs simples sans grande éducation. Peu d’amour parental, peu d’épanouissement culturel autre que le travail. Elle va bien vite se réfugier dans un rêve, devenir chanteuse, comme Dolly Parton, sa chanteuse préférée.

Les personnages. L’histoire présente quatre personnages : Jeanne et Pierre, un couple d’aubergistes, travailleurs, peu démonstratifs de leurs sentiments. Leur fille unique Lysiane, une enfant pleine de rêves, qui a grandi trop vite à cause d’une grossesse non désirée. Et enfin, Jolene, une enfant rejetée par sa mère.

Les lieux. La région présentée est celle des Flandres françaises, près de Cassel, dans la campagne, une petite auberge. Une ruralité où le travail est la seule voie, présentée face à la ville, la culture, les concerts, les loisirs, mais également le seul lieu où peuvent se réaliser les rêves de Lysiane.

L’époque. L’époque n’est pas clairement mentionnée, mais l’action se déroule sur une vingtaine d’années, que l’on pourrait situer entre les années 1990 et 2010. La présence des téléphones portables, et l’existence des réseaux sociaux, dans la seconde partie de l’histoire, permettent cette hypothèse.

L’auteur. Marjorie Tixier signe ici auprès des Éditions Fleuve son troisième roman, après deux romans autoédités. En 2020, Un matin ordinaire va la faire connaître, et en 2021 Un autre bleu que le tien, va conforter sa position d’auteure qui n’a pas peur de parler de sujets forts comme le viol, le handicap.

Ce livre a été lu avec colère pour l’inconscience de Lysiane, qui sous prétexte qu’elle serait « destinée » à devenir chanteuse se permet tout, et avec passion pour la constance et la persévérance dans son travail. Colère et passion, deux sentiments identifiables par le rouge. On ne sort pas indemne de ce roman.

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