Mediator : La lanceuse d’alerte Irène Frachon retrace l’histoire de l’affaire des laboratoires Servier en BD
Récit documentaire•« Ça a toutes les allures d’un polar, sauf que tout est vrai ! […] La vraie histoire factuelle de A à Z n’avait jamais été écrite », assure la lanceuse d’alerte Irène Frachon20 Minutes avec AFP
Dans les années 1970, les laboratoires Servier développent un nouveau médicament qu’ils pensent prometteurs : le Mediator. Ce traitement pour les diabétiques sera très consommé pour son effet coupe-faim. Dérivé de l’amphétamine, ce médicament provoque beaucoup d’effets secondaires, parfois mortels. Un médicament similaire dans les années 1990, l’Isoméride provoques les mêmes maux. Pour la première fois, l’histoire de ce scandale sera racontée en BD. « Ça a toutes les allures d’un polar, sauf que tout est vrai ! […] La vraie histoire factuelle de A à Z n’avait jamais été écrite », assure la lanceuse d’alerte Irène Frachon, autrice de « Mediator, un crime chimiquement pur » (Ed. Delcourt).
La pneumologue à l’hôpital de Brest-Carhaix (Finistère) a collaboré avec l’ancien journaliste Éric Giacometti pour l’écriture de cette BD dessinée par François Duprat, qui doit paraître le 4 janvier. « C’est un crime industriel qui se noue dans les années 1960 : Servier invente une série de coupe-faim dérivés de l’amphétamine. Et, malgré des signes de dangerosité qui apparaissent très rapidement, Servier va tout mettre en œuvre pour empêcher le retrait de ces coupe-faim parce que ce sont des produits extrêmement rentables », raconte le Dr Frachon.
Cinq millions de personnes traitées par le Mediator
Mis sur le marché en 1976 pour le traitement du diabète mais largement détourné comme coupe-faim, le Mediator a été prescrit à environ cinq millions de personnes, jusqu’à son retrait en novembre 2009. C’est en découvrant la similitude du Mediator avec l’Isoméride que la pneumologue se rendra compte de sa dangerosité. Car « en réalité, l’Isoméride et le Mediator, c’est la même chose. Ils libèrent dans l’organisme le même poison. Servier le savait et l’a dissimulé », souligne Irène Frachon.
« Je vis cette affaire comme un polar depuis des années mais je ne sais pas le raconter comme ça », confie Irène Frachon, qui s’est entourée du scénariste de Largo Winch, Eric Giacometti pour rendre le récit vivant.
Bientôt un nouveau procès des laboratoires pharmaceutiques
Avec d’autres, ce scandale a contribué à miner la confiance du public dans les autorités sanitaires, alimentant complotisme et discours antivax. Consciente de cette menace, la pneumologue prône pour y remédier une lutte drastique contre les conflits d’intérêts qui restent « omniprésents encore aujourd’hui dans le monde médical ».
Elle plaide également pour une plus grande sévérité de la justice vis-à-vis de la criminalité en col blanc, alors que doit s’ouvrir le 9 janvier le procès en appel du scandale du Mediator. En mars 2021, le tribunal correctionnel de Paris avait condamné Servier pour « tromperie aggravée » et « homicides et blessures involontaires » à 2,718 millions d’euros d’amende et l’avait relaxé du délit d’escroquerie. Une peine bien inférieure aux réquisitions du parquet.
Malgré son interdiction il y a treize ans, des victimes continuent aujourd’hui à mourir du Mediator.