«Quand vient la vague»: Un superbe roman écrit à quatre mains sur une adolescente en fuite
ROMAN JEUNESSE•Rythmé comme une enquête à suspense sur un secret de famille, ce livre émouvant de Manon Fargetton et Jean-Christophe Tixier suit les trajectoires parallèles de Nina et Clément…Caroline Delabroy
Prendre une trahison comme une vague dans la figure, être submergé par les émotions, n’avoir d’autre choix que de disparaître. Nina, l’héroïne de Quand vient la vague, roman jeunesse paru chez Rageot, quitte par un froid matin d’avril la maison familiale. Elle a 17 ans, jette ses clés, marche sans trop savoir où aller. Juste, partir loin d’un foyer jusque-là chéri, et de l’océan, terrain béni de son petit frère Clément.
On retrouve le jeune garçon sur un surf, dix mois après la disparition de sa sœur. Le temps pour lui de prendre la vague, de ne plus se contenter des quelques mots qu’elle lui a laissés - « Cela ne servira à rien de me rechercher. Sache que ma décision est réfléchie et que tu n’as rien à voir là-dedans. » Comment, en trois mois, la vie de Nina a basculé ? De Lacanau à Bordeaux, puis Paris, Clément mène finalement l’enquête, et découvre peu à peu la raison de sa fuite. Son objectif : retrouver Nina avant ses 18 ans, alors elle pourra choisir de ne plus jamais donner de nouvelles à sa famille.
« On ne connaît jamais vraiment les gens avec qui on grandit »
Deux auteurs, Manon Fargetton et Jean-Christophe Tixier, signent ce roman jeunesse rythmé et très juste sur l’adolescence. On les avait laissés sur d’autres registres, la fantasy ou le thriller pour elle, le roman noir pour lui. « Nous avions l’envie commune de faire quelque chose de différent, d’explorer les relations familiales et cette idée que l’on ne connaît jamais vraiment les gens avec qui l’on grandit, parents, frères ou sœurs », explique Manon Fargetton.
La rencontre a eu lieu aux Étonnants Voyageurs de Saint-Malo, où ils signaient chacun pour Rageot. Lorsque leur éditrice leur a lancé, amusée - et si vous écriviez ensemble ? - les idées ont fusé, par jeu, et la boutade est vite devenue une évidence. « Les thèmes de la fuite, de la quête d’identité et du passage à l’âge adulte nous intéressaient, avec l’intensité du drame, poursuit Jean-Christophe Tixier. Si on écrit à deux, il faut que cela ait un sens. Et cela se justifie par le fait qu’il y ait deux personnages, deux périodes, deux sensibilités différentes. »
Nina, Clément, Romane, Jules et les autres
Chacun a pris en charge un personnage, le livre alternant les récits parallèles de Nina et de Clément. « L’un est écrit à la première personne, l’autre à la troisième, ce qui implique en soi des types d’écriture différente », avance Manon Fargetton. Avec cette façon de travailler, les deux auteurs - une fois « l’ossature » du roman définie - pouvaient ne pas s’attendre. Et s’étonner aussi.
Romane et Jules, les personnages secondaires de l’histoire, prennent ainsi une belle épaisseur au fil des pages. « On s’est beaucoup surpris l’un et l’autre avec ces personnages », dit Jean-Christophe Tixier, qui ne cache pas le plaisir qu’il a eu de cette écriture à quatre mains. « Nous avons la même sensibilité, cela n’a pas été difficile de trouver un terrain d’entente, affirme-t-il. Et nous avons surtout la même façon de travailler. »
Une passion commune pour l’océan et les secrets de famille
Tous deux ont aussi une passion commune pour l’océan et les disparitions volontaires, et la conviction que « la fuite de Nina est son premier acte d’adulte ». « Le secret de famille a toujours existé, nous avons voulu le planter dans un décor plus contemporain et avec un écho dans la société », explique Jean-Christophe Tixier.
« Autant c’est un roman qui nous ressemble absolument, autant c’est un roman que l’on n’aurait jamais fait seul, assure de son côté Manon Fargetton. Être deux à porter un texte offre une liberté différente ». L’un et l’autre ont le désir de renouveler l’aventure. Ils ont déjà pris date pour une séance de travail commune. La vague n’a pas fini de les emporter, et c’est une bonne nouvelle.
Quand vient la vague (Ed. Rageot), 288 p., 15,90 euros