LITTERATUREPublie-t-on assez de romans en France?

Publie-t-on assez de romans en France?

LITTERATUREComment lancer un projet entièrement dédié aux Lettres en ne parlant que de chiffres...
Si votre livre se trouve sur ce bureau, bonne nouvelle: j'ai posé mon vendredi pour bouquiner...
Si votre livre se trouve sur ce bureau, bonne nouvelle: j'ai posé mon vendredi pour bouquiner... - L. Bainier/20 Minutes
Laurent Bainier

Laurent Bainier

Publie-t-on trop de livres en France ? La tradition journalistique veut qu’on s’interroge sur le sujet les mois en «bre», quand on cherche des perles pour la rentrée de septembre, les prix d’octobre-novembre ou la liste de cadeaux de décembre.

La saison des huîtres étant derrière nous, nous pouvons poser la vraie question qui taraude les lecteurs que nous sommes : publie-t-on assez de livres en France ? Ne passe-t-on pas à côté du nouveau John Kennedy Toole, auteur de la géniale Conjuration des imbéciles s’étant donné la mort sept ans avant de voir son manuscrit accepté. Ne néglige-t-on pas, compte tenu du cours du feuillet dans certaines revues de qualité, un levier de croissance déterminant pour notre pays ?

Un million dans le tiroir

Selon une légende tenace, 1,4 million de textes non publiés dormiraient dans les tiroirs de nos compatriotes. Le chiffre n’est pas complètement fantasque. Il est extrapolé d’une étude de septembre 2009 - la dernière en date sur le sujet nous assure-t-on chez Opinionway, auteur du sondage - qui rapportait que 3 % des Français avaient déjà écrit un livre. Grosso modo 45 millions d’adultes à l’époque du sondage multipliés par 3 divisés par 100, ça nous donne 1.350.000 personnes concernées.

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Si l’on omet que certains auteurs amateurs ont plusieurs manuscrits dans le placard et que 400.000 ont déjà envoyé sans succès leur œuvre aux éditeurs, cela donne le très commode million et des brouettes de textes abandonnés dans nos tiroirs. Ce chiffre est à mettre en regard des 10.000 parutions de livres de fiction chaque année, édition et réédition confondues.

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Ca en fait du papier, c’est vrai, mais il n’en faut pas moins pour satisfaire l’appétit des Français. Car contrairement aux idées reçues, les Français lisent toujours… Selon un sondage BVA/Presse régionale, ils dévoreraient 14 livres par an. Chez les moins de 19 ans, le chiffre s’élèverait même à 24 (étude Ifop), en comptant les lectures prescrites par l’Education nationale. Du déclaratif, c’est vrai. Si l’on parle «ventes», on rappellera que 102.000.000 de romans ont été écoulés en 2014, un volume qui reste stable.

Où l’on apprend que tout peut péter

Alors pourquoi, oui pourquoi, n’édite-t-on pas plus ? «On créerait un problème structurel, nous bâche d’emblée Pierre Dutilleul, directeur général du Syndicat national de l’édition. Les structures d’édition sont à leur maximum aujourd’hui.»

Illustration chez Finitude, l’heureux éditeur d’En attendant Bojangles, d’ Olivier Bourdeaut : 277.900 exemplaires vendus en 2016 (estimation Gfk/livres hebdo). «Avant Bojangles, nous recevions 1000 manuscrits par an. Depuis, c’est 4.000 à 5.000, explique Emmanuelle Boizet, la cofondatrice de la maison d’édition. Et nous n’éditerons qu’un seul nouvel auteur cette année.» Un excellent, nous prévient-elle. Les 4999 autres iront sans doute tenter leur chance dans d’autres maisons ou sur les nombreux sites dédiés à l’auto-édition. Un secteur en plein bouillonnement.

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Mais les maisons d’édition ne sont pas les seules à saturer. Les librairies, aussi. «La surface des points de vente ne grandit pas, confirme Pierre Dutilleul. Si on rajoutait des sorties, le système exploserait.» Ou se dématérialiserait. L’impression à la demande, encore très marginale, préfigure un monde où chaque livre sera disponible en quelques minutes chez notre libraire de quartier ou dans notre restaurant, comme à Za.

Problème réglé ? Pas du tout, car pour qu’un livre trouve son lecteur, il faut un éditeur, un vendeur… et un acheteur informé. Et c’est peut-être là que réside le plus grand défi (ça nous arrange, vous allez voir). «Le marché souffre d’un manque de prescripteurs», nous glissait l’éditrice Héloïse d’Ormesson entre le thon et la volaille au déjeuner du Palmarès L’Express-RTL. N’en déplaise à Chris Anderson, les librairies en ligne et leur catalogue à longue traîne semblent avoir davantage profité aux best-sellers, qui se vendent plus et plus longtemps, qu’aux auteurs moins connus dont les ventes moyennes plafonnent. «En 2015, le tirage moyen des nouveautés était de 7404 exemplaires, un chiffre plutôt en baisse», précise Pierre Dutilleul. Il était en effet de 9656 en 2010. La faute aux linéaires toujours trop petits des libraires et aux algorithmes de recommandation des géants de la vente en ligne, qui ont tendance à amplifier les succès.

A l’aide…

La faute aussi aux médias qui n’ont pas souvent les moyens de jouer leur rôle de dénicheur. Et je me cite là-dessus : «Quand un auteur vous envoie un livre sur lequel il a passé un an ou deux, qu’il vous dit qu’il veut juste que vous y jetiez un œil, que vous lui répondez “oui, bien évidemment” avec un sourire compatissant et que vous le posez sur la pile de 74 bouquins à lire d’ici à la semaine dernière, vous n’êtes que modérément fier de votre existence.»

Vous qui choisissez vos lectures avec goût puisque vous lisez cet article, que diriez-vous de nous donner un coup de main ? A compter de ce jour, nous vous ouvrons nos colonnes à travers notre plateforme de chronique littéraire. Un livre vous plaît ? Vous souhaitez le recommander à nos lecteurs ? Quelques clics suffisent pour nous soumettre votre fiche lecture et la voir publier sur cet espace. Nous continuerons de notre côté à couvrir du mieux possible l’actualité littéraire ( environ cent romans abordés par notre rédaction cette année).

Ensemble, nous décongestionnerons le secteur, viderons les tiroirs d’auteurs de leurs trésors, relancerons l’économie française grâce à l’édition, partant celle de l’Europe. Et puis, très vite, le monde. Ensuite, on pourra s’attaquer tranquillement à la poésie.

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