Marie-Claude Pietragalla: « Les mineurs nous incitent à l'humilité »
Rencontre avec la chorégraphe et directrice artistique de Pietragalla Compagnie©2006 20 minutes
Il y a un siècle aujourd'hui, 1099 mineurs perdaient la vie entre Sallaumines et Méricourt dans la catastrophe minière dite de « Courrières ». Ce jour-là, un incendie animé par plusieurs poches de grisou et les flammes des lampes à huile balayait 110 kilomètres de galeries. Invitée par la Région, la chorégraphe corse Marie-Claude Pietragalla s'est intéressée au sujet en montant un spectacle baptisé Conditions humaines.
Comment vous êtes-vous retrouvée à la tête de ce projet ?
Dans le cadre d'un partenariat avec la région Nord-Pas-de-Calais, Daniel Percheron [son président PS], m'a sensibilisée sur les commémorations de la catastrophe de Courrières que je ne connaissais que très superficiellement. En découvrant l'enfer de la mine, on a réfléchi à une création.
Comment avez-vous procédé ?
On ne voulait pas arriver comme des ovnis. Alors , on est partis à la rencontre des gens du Nord. Les anciens mineurs, leurs femmes, les historiens. Nous sommes restés en résidence dans la région pendant quinze jours pour emmagasiner le plus d'informations et de vécu possible.
Qu'avez-vous découvert ?
Qu'avec Germinal, Zola n'avait rien inventé. La mine est vraiment un monde à part, un monde terrible dont on ne sort pas indemne.
Justement, que vous ont inspiré les anciens mineurs ?
Ils nous incitent à plus d'humilité. Quand on voit ce que les gens du Nord ont donné sous terre, on a envie d'en faire autant. C'est aussi ce qui m'a motivé dans cette création.
Comment ont-ils réagi à l'annonce de ce spectacle ?
Par un mélange étonnant de fierté et d'humiliation. La plupart sont silicosés, ont de graves problèmes pour parler. Et pourtant, ils sont fiers d'eux et de leur univers. Alors qu'ils ont toutes les raisons d'être en colère, c'est surtout de la joie de vivre qu'on ressent lorsqu'on les rencontre. C'est une véritable leçon de vie qu'ils donnent.
Avez-vous eu du mal à leur « vendre » l'idée d'un spectacle chorégraphique ?
Pas du tout. A l'intérieur des boyaux, le bruit était tellement assourdissant que les mineurs ne pouvaient pas se parler. Ils avaient donc une gestuelle spécifique pour communiquer. Ce n'était pas toujours facile dans des couloirs larges de 45 centimètres. On en a tenu compte dans notre mise en scène.
« Conditions Humaines » est-il un hommage affiché aux gens du Nord ?
Oui et non. Parce que ce spectacle est né des commémorations de la catastrophe de Courrières, de nos rencontres avec les anciens mineurs. Mais cela reste une création artistique avant tout. Une création mêlant des danseurs classiques, contemporains et hip hop.
A-t-il vocation à être joué ailleurs que dans le Nord ?
L'Allemagne et la Belgique sont déjà intéressées. Le travail des mineurs est un sujet universel.
Recueilli par Vincent Vantighem
Premières : Les 11, 13 et 14 avril à Sallaumines. www.pietragallacompagnie.com