La ville n'est pas chienne avec les SDF
Société A Lille, l'animal de compagnie n'est plus un handicap pour la réinsertion de jeunes errantsGilles Durand
Opération vaccination. François attend sagement son tour sur le trottoir avec Tania, un dogue argentin de deux ans. Voilà un peu plus d'un an que l'association de réinsertion Itinéraires travaille en collaboration avec la mairie de Lille pour accueillir les jeunes avec des chiens. Il y a un an et demi, la fermeture de petits bureaux de poste a privé François de son emploi. « J'étais chauffeur et je devais signer un CDI, raconte-t-il. Je me suis retrouvé à la rue. » Seul avec sa chienne. « C'est une brave bête malgré son air méchant », rigole-t-il. Comme beaucoup de SDF, l'attachement à son animal lui ferme de nombreuses portes. A commencer par celles de la plupart des foyers d'accueil. Alors quand il a appris l'existence, à Lille, d'un accueil de jour qui acceptait les toutous, il a pointé le museau.
Aujourd'hui, au local d'Itinéraires, rue Delesalle, la vaccination n'est pas lui, mais pour sa chienne. Une fois par mois, des vétérinaires volontaires consultent au local, sous l'œil des trois éducateurs. « L'animal peut devenir un support et non un frein pour aider à réinsérer ces jeunes. Le fait que les éducateurs s'occupent aussi des chiens renforce le climat de confiance », souligne Vincent Dubaele, président de l'association. Car ces jeunes ont souvent un lien très fort avec leur animal. « Je préfère dormir sous une tente avec ma chienne que dans un foyer sans elle », avoue Bruno qui arrive de Sète avec Kenza. Même pour effectuer les démarches administratives, il a du mal à s'en séparer.
Pour Roger Vicot, adjoint (PS) chargé de la sécurité à Lille, l'expérience d'Itinéraires permet aussi de « résoudre le problème sanitaire des chiens en ville ». Même si leur état de santé est particulièrement bon, comme le constate Philippe Gossaert, vétérinaire à Tourcoing. « Brisons les idées reçues ! assure-t-il. Ces bêtes sont très bien entretenues et pas plus méchantes que d'autres. » Bruno peut ôter la muselière à Kenza. « Pour remercier le véto, j'ai donné une pièce à son asso, glisse-t-il. ça me coûterait trop cher d'aller dans un cabinet ». Laure est venue pour mettre à jour les vaccins. « Les flics ne m'ont jamais demandé les papiers du chien, explique-t-elle, mais où je suis hébergée, il faut qu'il soit en règle. »