ENQUÊTELa procédure judiciaire sur l’effondrement à Lille peut prendre des années

Effondrement à Lille : La procédure judiciaire peut prendre des années

ENQUÊTEDeux semaines après l’effondrement mortel de deux bâtiments, on ne connaît toujours pas la cause du drame. La procédure judiciaire n’en est effectivement qu’à ses débuts et les parties doivent se préparer à ce qu’elle dure longtemps
Mikaël Libert

Mikaël Libert

L'essentiel

  • Deux semaines après l’effondrement mortel de Lille, l’enquête de flagrance touche à sa fin.
  • Soit la procédure bascule sur une enquête préliminaire, soit vers l’ouverture d’une information judiciaire.
  • En raison de similitudes avec le drame de 2018, à Marseille, « 20 Minutes » a demandé l’éclairage de deux avocats marseillais impliqués dans ce dossier.

Samedi, cela fera tout juste deux semaines que deux immeubles se sont effondrés rue Pierre-Mauroy, en plein centre-ville de Lille. Ce drame, qui a coûté la vie à un médecin psychiatre de 45 ans, demeure inexpliqué. D’un point de vue judiciaire, la machine s’est rapidement mise en action avec l’ouverture d’une enquête pour des chefs de mise en danger de la vie d’autrui et d’homicide involontaire. Sauf qu’il ne faut pas s’attendre à des résultats immédiats, la procédure promettant d’être longue. Afin de savoir à quoi s’attendre pour la suite, 20 Minutes a interrogé deux avocats impliqués dans le dossier de l’effondrement qui a fait huit morts, à Marseille, en novembre 2018.

Le 5 novembre 2018, deux immeubles vétustes s’effondraient rue d’Aubagne, à Marseille, à deux pas de la célèbre Canebière. Sous les décombres, au fil des jours, les secours découvriront les corps de huit personnes. Si le bilan s’avère moins lourd à Lille, les deux affaires comportent, du moins à première vue, de nombreuses similitudes impliquant un traitement judiciaire équivalent pour homicide involontaire. « Après l’enquête de police de flagrance ouverte par le parquet, qui peut durer jusqu’à 16 jours, soit on bascule en enquête préliminaire, soit on ouvre une information judiciaire. Dans la mesure où une personne est décédée, ce serait étonnant qu’un juge d’instruction ne soit pas saisi », explique maître Brice Grazzni, avocat de cinq familles de victimes du drame de Marseille.

Dans l’attente des mises en examen

Dans le cas de la rue d’Aubagne, c’est d’ailleurs un pool de juges d’instruction qui est en charge du dossier depuis maintenant quatre ans. « On aura un point d’étape en janvier sur les avancées de l’enquête », confie à 20 Minutes maître Florence Briand, l’avocate d’une autre famille de victime marseillaise. « Un point de mi-instruction », confirme maître Grazzni, pour qui huit ans d’instruction ne constituent pas une durée invraisemblable. Pour se donner une autre idée, les différentes expertises autour du drame de Marseille auront duré plus d’un an : « Il y a eu deux expertises, une autour de l’histoire des immeubles, et une autre, technique, pour déterminer les causes de l’effondrement », poursuit maître Grazzni.

S’il est fort peu probable que les résultats des expertises soient divulgués avant le procès, des faits d’instruction devraient permettre de nous éclairer sur l’orientation que prend l’enquête. « Des personnes, morales ou physiques, seront mises en examen, assure l’avocat marseillais. Dès lors, on pourra s’orienter vers leur responsabilité tout en restant prudent, notamment parce qu’il y aura des échelles de responsabilités diverses. » Dans le cas lillois, les premières mises en examen tomberont dès lors que l’instruction aura déterminé les potentialités de qui à commis telle faute et à quel moment. « Ça peut être la copropriété, les propriétaires, des entreprises ayant réalisé des travaux », énumère l’avocat dans une liste non exhaustive.

Mairie et pompiers peuvent-ils être poursuivis ?

La ville peut-elle être poursuivie dans l’affaire lilloise, notamment pour n’avoir pas évacué le médecin qui a trouvé la mort dans l’effondrement ? « Bien sûr, que ce soit par le juge d’instruction ou par des familles de victimes. Il existe pléthore de procédures, pénales et civiles qui peuvent être engagées », estime maître Briand. Pour son confrère, c’est plus compliqué : « une personne morale de droit public, comme une municipalité, ne peut être tenue responsable pénalement que des infractions commises dans l’exercice d’activités susceptibles de faire l’objet de conventions de délégation de service public », explique-t-il, ajoutant qu’il faut ensuite « que la faute soit caractérisée ». La responsabilité peut-elle alors retomber sur les pompiers ? « Potentiellement, c’est possible, même si c’est assez rare, reconnaît maître Grazzni. Il faudra prouver qu’ils n’ont pas réalisé une mission qui leur était dévolue. »


Le délai maximum pour l’enquête de flagrance arrive à son terme, dimanche. On devrait donc savoir rapidement l’option choisie entre enquête préliminaire ou instruction judiciaire. Pour les victimes, famille du médecin décédé ou locataires, l’attente ne fait donc que commencer. Leur indemnisation, du moins une partie, ne devrait en revanche pas mettre des années à arriver : « Il existe des conventions entre compagnies d’assurances qui leur permettent de faire rapidement des propositions aux victimes sur une provision », précise maître Briand.