Nord : L’enseignement de la langue « ch’ti » à l’école a du plomb dans l’aile
LINGUISTIQUE•Un projet de circulaire du ministère de l’Education nationale exclut encore le picard (appelé aussi le « ch’ti ») de l’enseignement à l’écoleGilles Durand
L'essentiel
- Un projet de circulaire du ministère de l’Education nationale prévoit le dispositif d’enseignement des langues régionales.
- Si le flamand occidental entre dans les futurs enseignements linguistiques, le picard (ou le « ch’ti ») en est exclu.
- Quatre sénateurs ont envoyé un courrier au Premier ministre pour protester contre une décision « contraire aux principes de l’égalité républicaine ».
La patrie du parler « ch’ti » en danger ? C’est un projet de circulaire du ministère de l’Education nationale qui a mis le feu aux poudres. Il est question de l’enseignement des langues et cultures régionales. Y figurent, comme d’habitude le breton, le corse, l’alsacien, mais aussi deux nouvelles langues : le flamand occidental et le franco-provençal.
Une bonne nouvelle pour le sénateur (Divers droite) du Nord, Jean-Pierre Decool, qui milite depuis longtemps pour l'enseignement à l'école du flamand occidental, une langue parlée encore par environ 40.000 personnes, aux environs d’Hazebrouck et de Bergues. « Je me réjouis de cette décision, mais c’est une demi-victoire car je considère que le picard devrait aussi être défendu », explique-t-il à 20 Minutes.
« Contraire aux principes de l’égalité républicaine »
En effet, le picard, plus connu sous le nom de langue « ch’ti », n’a pas été retenu dans cette circulaire, selon l’Agence régionale de la langue picarde (ARLP) qui a eu connaissance du contenu. C’est pourquoi Jean-Pierre Decool a rejoint trois collègues sénateurs de bords politiques différents (Max Brisson, Laurent Somon et Eric Bocquet), pour porter l’affaire devant le Premier ministre, Jean Castex.
« Nous constatons et regrettons que le picard, langue régionale des Hauts-de-France, reconnue par le ministère de la Culture et pratiquée par environ un million de personnes (…) soit absent dans cette liste. Cette exclusion (…) reviendrait à priver une grande partie de la population de cette région de la transmission de son patrimoine linguistique », écrivent les quatre élus dans une lettre transmise à Matignon.
S’ils se félicitent des « dispositions de ce texte qui visent à sécuriser et développer la transmission des langues régionales, considérées comme des trésors nationaux par le code du patrimoine », ils estiment qu’oublier certaines langues est « contraire aux principes de l’égalité républicaine ».
Un picard standard depuis deux ans
Le dossier s’appuie sur une nouvelle donne : La loi Molac sur les langues régionales, adoptée en mai par le parlement, mais dont le dispositif sur l’enseignement immersif a été retoqué par le conseil constitutionnel. « Pour sécuriser cet enseignement entièrement en langue régionale, qui existe déjà dans certaines régions, l’Education nationale a dû rédiger une circulaire qui doit sortir prochainement », indique Olivier Engelaere, directeur de l’ALRP qui défend le picard.
Or si cette langue n’est pas inscrite, impossible pour le rectorat de Lille et d’Amiens de proposer un enseignement linguistique en ch’ti. « Ce serait dommage car nous avons mis au point un dictionnaire standard du picard il y a deux ans et le fruit de ces efforts serait réduit à néant. Peut-être n’avons-nous pas fait assez de lobbying ? », regrette Olivier Engelaere.
Contactée, l’Education nationale n’a pas donné suite.