Confinement dans les Hauts-de-France : Le télétravail est-il vraiment bien respecté par les employeurs ?
ECONOMIE•Dans les Hauts-de-France, beaucoup de salariés se plaignent d’employeurs qui ne jouent pas le jeu du télétravail pourtant fortement recommandé depuis le reconfinementFrançois Launay
L'essentiel
- Depuis le reconfinement, le télétravail doit être appliqué partout où c’est possible.
- Sauf que beaucoup d’entreprises ne jouent pas forcément le jeu comme le racontent des salariés interrogés par 20 Minutes.
- Mais la loi joue pour les chefs d’entreprise qui n’ont pas l’obligation légale de mettre leurs salariés en télétravail, même en période de confinement.
Tout le monde s’accorde à le dire : ce deuxième confinement semble bien moins strict que le premier. Sur les routes et dans les centres-villes, on croise bien plus de monde qu’en mars dernier. Si beaucoup de gens travaillent désormais de chez eux, d’autres continuent à venir au bureau malgré tout.
Elisabeth Borne, ministre en charge du travail, l'a pourtant déclaré jeudi dernier : « Le télétravail n’est pas une option ». Un message adressé à toutes les entreprises qui peuvent mettre leurs salariés en télétravail. Selon Olivier Véran, ministre de la santé, interrogé ce mardi sur BFM « Les chiffres du télétravail attestent que les entreprises jouent le jeu ».
« On nous menace à demi-mot de ne pas nous payer à 100 % si on demande du télétravail »
Mais dans les faits, c’est beaucoup plus complexe, car tous les dirigeants d’entreprise ne jouent pas le jeu justement. Interrogés sur le sujet via la page Facebook de 20 Minutes Lille, plusieurs internautes ont témoigné de leur situation.
Secrétaire dans un cabinet d’avocats de la métropole lilloise, Laurence* doit continuer tous les matins à se rendre au bureau. « Comme les tribunaux sont ouverts, nos employeurs ne nous mettent pas en télétravail. Alors que notre travail peut être fait à 100 % à distance. Par contre eux, les grands chefs sont absents pour télétravail. On nous menace à demi-mot de ne pas nous payer à 100 % si on demande du télétravail et que forcément ça se paiera. Dans ces conditions nous fermons poliment notre gueule ! », raconte cette salariée très en colère.
« J’ai voulu négocier pour un seul jour par semaine au travail mais mon patron n’a pas voulu car il veut une cohésion d’équipe »
De son côté, Emilie travaille dans une boîte de recrutement de la région lilloise. A l’annonce du reconfinement, son patron lui a demandé de venir quatre fois par semaine au bureau et de rester en télétravail une journée. Trop peu pour la salariée inquiète pour sa santé.
« J’ai dit à mon employeur que j’avais la trouille de retourner dans les locaux de l’entreprise. Il m’a alors demandé de venir deux jours par semaine. J’ai voulu négocier pour un seul jour par semaine au travail mais il n’a pas voulu. Il veut une cohésion d’équipe et estime que les visios ne suffisent pas à faire en sorte que l’équipe soit soudée ».
« On nous a juste demandés si l’on voulait être en télétravail ou venir sur site »
Dans d’autres entreprises régionales, si l’on n’impose pas de venir au bureau, le télétravail n’est pas non plus encouragé. Exemple avec Philippe, employé dans une société de 100 salariés. « Alors que 80 % des salariés peuvent effectuer leurs tâches à distance, on nous a juste demandés si l’on voulait être en télétravail ou venir sur site. Résultat, environ 20 % ont accepté le travail à distance. Sachant que notre employeur se propose de nous fournir un PC et un écran mais pas de téléphone ni de connexion Internet », regrette le salarié.
Même son de cloche dans cette grande entreprise du tertiaire basée à Lille où chacun fait un peu comme il veut ou presque. « J’aimerais bien faire du télétravail à 100 % mais on me fait comprendre que ce serait quand même bien que je vienne au boulot une fois par semaine », raconte Patrick. « On ne t’impose rien. Tu peux être à 100 % en télétravail mais c’est toi qui sors du cadre collectif dans ce cas-là », poursuit Richard, salarié dans la même entreprise.
« La seule solution est de laisser le choix aux chefs d’entreprise pour que ça se passe bien », estime le MEDEF
Que ce soit un, deux voire cinq jours par semaine au bureau, le télétravail est donc loin d’être appliqué partout dans les entreprises de la région qui peuvent le faire. On est loin des recommandations du gouvernement. Ce qui ne semble pas trop déranger le MEDEF régional par la voix de son président Patrice Pennel
« Je trouve que la ministre du travail a eu une phrase un peu excessive en disant que le télétravail n’était pas une option. Au quotidien, les chefs d’entreprise gèrent leur entreprise comme ils pensent devoir le faire. Toutes les mesures barrière ont été mises en place. Ceux qui veulent être mis en télétravail le sont mais il y en a aussi qui ne supportent pas de travailler chez eux. Et laisser travailler ces salariés chez eux peut aussi les mettre en risques psychosociaux. Il y a d’autres risques que le Covid. La seule solution est de laisser le choix aux chefs d’entreprise pour que ça se passe bien. La seule réalité aujourd’hui, c’est que l’économie doit continuer de tourner », estime le président du MEDEF Hauts-de-France.
La loi n’oblige pas les entreprises à mettre leurs salariés en télétravail
Pour lui, priorité doit être donnée au dialogue entre le chef d’entreprise et ses salariés afin de trouver la solution la plus adaptée. Sauf qu’en réalité, ce dialogue est souvent biaisé, avec un cadre réglementaire très flou. « Mon patron m’a dit qu’il attendrait les annonces gouvernementales pour augmenter ou réduire le nombre de jours de présence au bureau », raconte ainsi Fanny, salariée dans le privé. « Le mien m’a rétorqué que le télétravail n’était pas obligatoire », poursuit Laurence.
En effet, rien dans la loi rien n’oblige un chef d’entreprise à mettre ses salariés en télétravail. Même en période de confinement. « Il n’y a pas d’obligation. Ce n’est pas inscrit dans la loi. C’est juste une recommandation forte faite aux employeurs qui peuvent privilégier le télétravail. Mais à priori, il n’y a pas de sanctions pour ceux qui refusent de le faire », reconnaît-on du côté de l’inspection du travail de Lille.
Entre discours officiels et la réalité du terrain, le télétravail reste donc encore pour certains… une option
* Tous les prénoms ont été modifiés