VIDEO. Paris-Roubaix: Après les pavés, les douches les plus mythiques du cyclisme mondial
CYCLISME•C'est un endroit totalement désuet qui fait partie de la légende de l'Enfer du Nord. Plongée dans l'histoire des douches de Paris-RoubaixFrançois Launay
L'essentiel
- Les douches de Paris-Roubaix font partie du patrimoine mondial du cyclisme.
- Construites dans les années 20, elles sont totalement démodées mais sont chères aux cyclistes.
- Tous les anciens vainqueurs y ont un box à leur nom et en sont très fiers, à l’image de Peter Sagan
Elles ne ressemblent à rien, font partie d’une autre époque et pourtant elles appartiennent à l’histoire du cyclisme mondial. Situées à une centaine de mètres du Vélodrome où est jugée chaque année l’arrivée de la reine des classiques, les 24 douches et les 90 boxes de Paris-Roubaix sont des mythes très chers aux coureurs du peloton.
Ce n’est pas un hasard si ce jeudi, Peter Sagan, star du cyclisme mondial et vainqueur l’an passé, s’est déplacé personnellement pour poser une plaque à son nom dans l’un de ces box désuets. « C’est beau », s’est simplement exclamé le tenant du titre au moment de fixer la plaque à son nom. Certes. Mais ces murs décrépis font aussi partie de la légende.
Des douches nées pour lutter contre la tuberculose
A l’origine, rien ne prédestinait le lieu à une telle gloire. La naissance des douches est liée à une école dite « de plein air », qui traitait les problèmes de tuberculose chez les enfants. « L’école a été ouverte dans les années 1920 et les douches ont été construites pour des raisons d’hygiène. Mais il a fallu attendre 1943 pour que les coureurs du Paris-Roubaix les utilisent », explique François Doulcier, président de l’association des Amis de Paris-Roubaix et fin connaisseur de l’histoire de la course.
Après trois ans d’interruption à cause de la Seconde Guerre mondiale, l’Enfer du Nord reprend pendant l’occupation. Et pour la première fois, l’arrivée est placée sur le Vélodrome, tout près. « C’était jugé super moderne à l’époque. Les hôtels n’avaient pas le confort d’aujourd’hui. C’était la galère pour prendre une douche et il y en avait plusieurs au même endroit et à l’arrivée », poursuit François Doulcier.
Le bureau des pleurs de Paris-Roubaix
Le mythe des douches peut commencer. Au fil des années, magnifié par des photos légendaires de coureurs plein de boue ou de poussière, épuisés par l’effort consenti sur les pavés, le lieu devient emblématique et incontournable. « C’est un endroit où les coureurs récupéraient physiquement mais surtout psychologiquement. Et comme il n’y a qu’un seul vainqueur, c’est aussi le bureau des pleurs de coureurs en détresse, l’endroit où il faut récupérer, relativiser et penser à autre chose », poursuit le président de l’association des Amis de Paris-Roubaix.
Depuis une vingtaine d’années, le lieu est également devenu mémoriel. En 1996, à l’occasion du centenaire de Paris-Roubaix, des passionnés ont l’idée de faire des douches de Roubaix une sorte de Hollywood Boulevard. Mais au lieu des étoiles de la célèbre avenue de Los Angeles, on appose sur chaque box, dans lequel les coureurs se déshabillent, une plaque au nom de chaque vainqueur de l’épreuve. Les lauréats adorent.
Des plaques au nom de chaque vainqueur posées depuis 1996
« Tous les anciens vainqueurs en activité se déshabillent dans le box à leur nom comme Van Avermaet, Degenkolb ou Hayman. Et à chaque fois que des ex-coureurs comme Boonen, Museeuw ou encore Tafi viennent à Roubaix avec des amateurs, ils vont dans les douches et se prennent en photo dans leur box. C’est impressionnant, c’est une vraie fierté et c’est devenu hyper important pour les coureurs », assure Daniel Verbrackel, directeur sportif de l’équipe Natura4ever Roubaix-Lille Métropole et à l’origine des plaques.
Si tous les anciens vainqueurs ont une plaque à leur nom, il existe un intrus parmi eux. Arrivé bon dernier de l’édition 1968, celle qui a vu l’arrivée de la tranchée Arenberg dans le parcours, Philippe Crepel a le privilège d’avoir son nom dans les douches juste à côté d’un certain Eddy Merckx.
« Avant 1968, il y avait beaucoup moins de pavés sur Paris-Roubaix. Cette édition-là, que je finis 43e et dernier, marque un tournant. Dans l’Equipe du lendemain, Jacques Goddet m’avait associé au vainqueur Eddy Merckx car, pour lui, c’était une nouvelle page du cyclisme qui s’ouvrait avec ce nouveau parcours. J’ai l’impression de représenter le petit soldat inconnu. Il y a à peu près 10.000 coureurs qui ont terminé Paris-Roubaix chez les pros. Et il y en a plein, comme moi, qui l’ont terminé dans l’anonymat le plus total. Je suis donc très honoré d’être l’anonyme parmi tous ces champions. Ça représente bien l’histoire de la course », confie Pilippe Crepel.
La concurrence accrue des bus d’équipes
Mais depuis une dizaine d’années, tous ceux qui finissent la course ne passent plus forcément par la case douches. Avec la modernisation des bus d’équipes ultra-confort équipées de douches, beaucoup rechignent à rejoindre ces lieux d’un autre temps. « Ça a été un peu déserté pendant quelques années mais ça a tendance à revenir. Surtout quand une course se termine bien pour une équipe. Dans ce cas-là, on a tendance à retrouver les coureurs en train de faire la fête dans les douches », sourit Daniel Verbrackel.
Si elles sont démodées, désuètes et parfois délaissées, les douches de Paris-Roubaix restent associées à la course et à ses héros. La preuve, après avoir posé la plaque à son nom, Peter Sagan a désiré prendre une douche. Sans doute pour s’inspirer de la magie des lieux avant dimanche. Les mythes ne meurent jamais.