SOCIALAu cœur d'un centre d'accueil lillois pour femmes victimes de violences

VIDEO. Lille: Au cœur d'un centre d'accueil pour femmes victimes de violences

SOCIALA Lille, une structure d'accueil de femmes victimes de violences a ouvert ses portes à 20 Minutes...
Gilles Durand

Gilles Durand

L'essentiel

  • L’association Solfa met en place des centres d’accueil de jour et des places d’hébergement d’urgence pour les femmes en détresse.
  • La volonté politique pour lutter contre les violences faites aux femmes existe, mais la situation reste inquiétante et les structures sont débordées.
  • Depuis un mois, la métropole de Lille a lancé une campagne de prévention pour sensibiliser au fléau des violences intrafamiliales.

«Par rapport aux hommes, je suis encore en colère ». Une jeune femme fait de la couture sur un coin de table. Elle n’en dira pas plus sur son histoire. Le centre Rosa, dans le quartier de Wazemmes, à Lille, accueille chaque jour, des dizaines de femmes victimes de violences, conjugales ou non.

Ce lieu appartient à l’association Solfa spécialisée dans le traitement de ce problème de société. A quelques jours de la journée internationale pour l’élimination de la violence à l’égard des femmes, dimanche 25 novembre, il semble qu’il y ait encore du travail.

« Un jour, peut-être, la parole va se libérer »

« On oriente et on accompagne ces femmes. C’est un endroit de sécurité et de bien-être. On peut simplement venir prendre un café et se reposer. Et un jour, peut-être, la parole va se libérer », explique Delphine Beauvais, directrice du pôle Violences faites aux femmes chez Solfa.

Une femme d’une trentaine d’années vient d’entrer. Elle est inquiète. Une des éducatrices l’accompagne dans la cuisine pour discuter. Une autre est à la recherche d’un logement pour la nuit. Dans la salle d’accueil, quatre femmes apprennent le français avec Béatrice, une bénévole, ancienne journaliste.

« La première difficulté pour ces femmes, c’est de mettre des mots sur ce qu’elles vivent, témoigne Sophie, une éducatrice. Elles aimeraient aussi qu’on leur dise comment aider leur mari à changer. Parfois, cela débouche simplement sur une thérapie de couple. »

« Chaque histoire est différente »

Parfois, la situation est plus grave et nécessite de quitter le foyer. « Chaque histoire est différente, souligne Assia, responsable de l’hébergement. Et les facteurs déclencheurs sont multiples : quand les enfants sont grands ou qu'ils se retrouvent en danger. Une femme en détresse peut aussi croiser un regard bienveillant. Ça peut être le médecin qui s’inquiète de l’état de santé ou quelqu’un de l’entourage qui leur confie que ce qu’elles vivent n’est pas normal. »

« On refuse de parler de femmes battues car toutes ne sont pas battues, mais elles sont victimes de violences psychologiques tout aussi graves », renchérit Delphine Beauvais. Et quitter le domicile ne met pas forcément fin aux violences. « Il arrive parfois que le compagnon se montre menaçant, persuadé que nous avons retourné le cerveau de sa femme » signale Gaelle, au service écoute.

Campagne de prévention de la Métropole de Lille

Depuis un mois, la Métropole de Lille a lancé une campagne de prévention en éditant un guide pour aider ces femmes à trouver le bon interlocuteur. Trois petits films réalisés par l’institution et diffusés dans les salles de cinéma de la métropole, ont pour mission de sensibiliser à ce fléau qui ne se résorbe pas, malgré les campagnes successives.

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Les victimes hésitent encore à porter plainte. « Peur des réactions, mais aussi l’accueil dans les commissariats qui est encore loin d’être optimal partout », assure Delphine Beauvais.

On constate aussi un système d’emprise récurrent, quelle que soit la catégorie socioprofessionnelle. « Même dans les familles aisées, il est normal d’obéir à son mari. L’éducation veut qu’une fille doive être soumise », regrette Assia.

"Le phénomène n’est lié, ni à l’alcool, ni à la précarité"

« On s’en sortira quand on admettra qu’un homme n’est pas au-dessus d’une femme. Et le phénomène n’est lié, ni à l’alcool, ni à la précarité », lance Delphine Beauvais. Même si de plus en plus de femmes africaines, sans papiers et précarisées, se font connaître dans cette structure.

La volonté politique est là, reconnaissent les acteurs de terrain, mais la situation reste inquiétante et les structures sont débordées. « Une fois qu’on a incité les femmes à signaler leurs problèmes, comment fait-on pour répondre à toutes les demandes ? », s’interroge la directrice. « Depuis 2010, on voit baisser nos subventions », regrette Assia.

La moitié des appels traitée

L’affaire Harvey Weinstein, producteur d’Hollywood accusé de harcèlements sexuels, a fait exploser les sollicitations. L’association Solfa a recensé un tiers d’appels téléphoniques supplémentaires depuis un an. Or, sur ces 8.000 appels reçus, seulement la moitié a pu être traitée, faute d’effectif.

Même constat d’impuissance pour l’hébergement d’urgence et de stabilisation. Plus de 500 demandes n’ont pu aboutir en un an. Et Delphine Beauvais de se souvenir d’un drame : « Il y a trois ans et demi, une dame est décédée, défenestrée par son compagnon. Elle devait être accueillie dans un logement d’urgence, le lendemain ».