Béthune: Comment expliquer les trois suicides en une semaine à la maison d'arrêt?
SOCIETE•En huit jours, trois détenus de cette maison d'arrêt du Pas-de-Calais ont tenté de mettre fin à leurs jours. Deux n'ont pas survécu...Mikaël Libert
L'essentiel
- Trois suicides de détenus ont eu lieu en une semaine à la prison de Béthune.
- Un a pu être sauvé tandis que les deux autres sont morts.
- On se suicide dix fois plus en prison qu’à l’extérieur.
La série est inquiétante. Entre les jeudis 4 et 11 octobre, la maison d’arrêt de Béthune, dans le Pas-de-Calais, a été le théâtre de deux suicides et d’une tentative de suicide de détenus. Pourtant, de l’avis des syndicats de surveillants, cet établissement ne pose habituellement pas de problème particulier. Dès lors, comment expliquer cette série de gestes désespérés ? Le peut-on seulement ?
Trois suicides, deux morts
Le premier suicide de cette vague remonte à jeudi 4 octobre, dans le quartier des arrivants de la prison de Béthune. Cette fois, les surveillants sont arrivés à temps pour décrocher et réanimer le détenu qui s’était pendu. Les deux autres ont eu une issue dramatique. Le samedi suivant, c’est un homme de 47 ans qui a mis fin à ses jours en se pendant au tuyau de douche pendant que son compagnon de cellule dormait. Et enfin jeudi, encore dans le quartier arrivants, les surveillants ont retrouvé un détenu inanimé avec un lien autour du cou. Il a succombé à ses blessures à l’hôpital.
« Des suicides, ça arrive, mais trois en une semaine, c’est vraiment beaucoup », déplore Thierry Turlure du syndicat FO, précisant que cet établissement n’avait pas été confronté à cela depuis plusieurs années. Pour autant, il ne parvient pas à s’expliquer cette macabre série : « C’est une maison d’arrêt plutôt calme. Il y a eu beaucoup de travaux et les bâtiments sont en bon état », constate-t-il.
Surpopulation ou manque d’effectifs en cause ?
Selon le syndicaliste, l’explication pourrait venir de la surpopulation : « On est à plus de 200 % d’occupation avec 367 détenus pour 180 places. Certains s’entassent à trois dans un espace de 15m2 », décrit-il, ajoutant que l’effectif pourrait grimper à 400 détenus fin octobre.
« Ça n’a rien à voir avec la surpopulation. Deux des détenus concernés étaient au quartier arrivants, donc seuls en cellule », répond Benoît Desruelle, du syndicat Ufap-Unsa. Résigné, il constate plutôt autre chose : « Bien souvent, quand il y a un suicide, d’autres suivent malheureusement ».
« On peut parfois observer une sorte de contagion du suicide, même si dans ce cas, ça fait beaucoup pour une petite maison d’arrêt », remarque Magalie Bodon-Bruzel, psychiatre et chef du Service Médico-Psychologique Régional de la prison de Fresnes. « On se suicide dix fois plus en prison qu’à l’extérieur et c’est une vraie préoccupation de l’administration pénitentiaire, poursuit-elle. Un éventuel manque de personnel ne peut pas tout expliquer. Un détenu qui veut se suicider y parviendra de toute façon ».