Plan Borloo pour les banlieues: Comment Valenciennes a déjà profité de la méthode de son ancien maire
SOCIETE•Maire de la ville nordiste pendant treize ans, l'homme politique y a expérimenté des politiques qui pourraient bien se retrouver dans son rapport sur les banlieues remis ce jeudi matin au gouvernement...François Launay
L'essentiel
- Jean-Louis Borloo présente ce jeudi matin au gouvernement son rapport sur les banlieues.
- Maire de Valenciennes de 1989 à 2002, il y a expérimenté différentes politiques dans les quartiers de la ville.
- Rénovation urbaine, concertation, participatif, la méthode Borloo pourrait être déclinée au niveau national.
«Il a réveillé la ville » « Les gens le kiffent car il a changé leur vie » « Il mérite une statue ici ». A Valenciennes, prononcer le nom de Jean-Louis Borloo revient à recevoir en retour une avalanche de louanges. Maire de la ville nordiste de 1989 à 2002, l’homme politique a laissé une trace indélébile dans les esprits.
Alors que l’ancien ministre présente ce jeudi matin au gouvernement d’Edouard Philippe un rapport sur les banlieues, son souvenir hante toujours les quartiers populaires de la cité du Hainaut. Car c’est là où il a expérimenté avec succès nombre d’idées qui pourraient bien figurer dans son rapport.
« Avant Borloo, on n’existait pas »
Exemple dans le quartier Dutemple. Quand Borloo prend la mairie à la fin des années 80, ce lieu totalement enclavé et coupé du reste de la ville, a très mauvaise réputation.
« Le quartier était coupé par l’autoroute. C’était un vrai quartier populaire avec plus de 60 % des gens au chômage à cause des fermetures d’usine. Autant dire qu’on n’existait pas. On avait été abandonné du système. Quand Borloo est arrivé, il nous a dit : faites-moi confiance, vous ne le regretterez pas », se souvient Mohamed Benchetouya, habitant de Dutemple et médiateur référent quartier à la ville de Valenciennes.
« Aujourd’hui, c’est la petite maison dans la prairie »
Près de trente ans plus tard, c’est peu dire que Dutemple a changé. Finies les barres d’immeuble désormais remplacées par des maisons individuelles. Inauguré il y a douze ans, le tramway a désenclavé le quartier et le relie au centre-ville en quelques minutes.
L’emploi est reparti et des gens extérieurs au quartier n’hésitent plus à venir s’y installer pour devenir propriétaires. « Franchement, le quartier c’est le jour et la nuit. On dirait la petite maison dans la prairie », sourit Benchetouya.
Une rénovation urbaine dans tous les domaines
Pour en arriver là, le quartier a bénéficié des dizaines de millions d’euros reçus dans le cadre de l’ANRU, l’Agence Nationale pour la Rénovation Urbaine, créée en 2003 par un certain Jean-Louis Borloo, alors ministre délégué à la Ville. Comme Dutemple, d’autres quartiers populaires de Valenciennes ont été transformés. Et il n’y a pas que la forme des logements qui a changé.
« On ne s’est pas contenté de déconstruire et de reconstruire, on est allé bien au-delà. On a gardé un esprit global avec déconstruction, reconstruction, mixité, création d’équipements publics structurants (city stades, médiathèques, salle de sport…) mais aussi développement économique avec priorité à l’emploi pour les jeunes du quartier », résume Laurent Degallaix, maire de Valenciennes depuis 2012 et ancien adjoint de Jean-Louis Borloo.
Concertation avec les habitants
Pour satisfaire tout le monde, Borloo a réussi d’un côté à fédérer les élus de tous bords autour de lui. De l’autre, il a impliqué les habitants par la création de comités de quartier ou d’associations de jeunes. « Tu peux refaire la voirie mais si les gens ne sont pas pris en compte, tu n’avances pas », résume Madjid Belhouari, président de l’association de jeunes du quartier Saint-Waast.
« Tout ça a fait remonter pas mal d’information de la part des habitants qui n’osaient pas s’adresser directement au maire. Les gens ont exprimé leurs désirs et leurs mécontentements », explique Bernard Dhaussy, membre d’un comité de quartier de Valenciennes.
Si tous les problèmes n’ont pas été réglés par ces différents chantiers, l’état d’esprit a évolué chez beaucoup d’habitants du quartier. « On ne va pas dire que tout est beau, tout est rose mais quand tu passes d’un appartement à une maison, c’est complètement différent. T’as l’impression que t’es propriétaire sans l’être. Mentalement, ça change tout, tu fais beaucoup plus attention », poursuit Madjid Belhouari.
Moins de délinquance
« Quand Borloo est arrivé, les gens regardaient leurs godasses. Ils ont commencé à relever la tête quand leur quartier a commencé à se transformer », image Laurent Degallaix qui pense que cette politique évite à sa ville de se retrouver régulièrement dans la rubrique des faits divers.
« On a des problèmes comme partout. Mais il n’y a pas une bagnole qui crame. Globalement dans une ville de 45 000 habitants, on n’entend pas parler de Valenciennes dans ces problématiques-là », assure le maire de la ville et président de la communauté d’agglomération de Valenciennes Métropole.
Le chômage reste élevé
Seul bémol dans ce concert de louanges : le taux de chômage qui reste encore très élevé dans le Valenciennois (15,2 %). « Aujourd’hui, on a beaucoup d’offres d’emploi sur le Valenciennois mais on n’a pas la main-d’œuvre formée en face », regrette le premier édile de la ville qui demeure confiant.
Resté très proche de son mentor, il sait déjà que le rapport Borloo accordera une large part à la formation professionnelle et l’apprentissage. Sans oublier le volet de la rénovation urbaine que Valenciennes a déjà expérimenté avec succès ces vingt dernières années.