Lille: Arrêté après neuf ans de cavale, il est libéré à cause de l’erreur d’un juge
JUSTICE•Impliqué dans une grosse affaire de trafic de drogue, un Nordiste finit par échapper à la justice, pour une faute d’inattention…Gilles Durand
L'essentiel
- Un suspect en cavale avait été condamné en 2009 à trois ans de prison pour trafic de drogue.
- Arrêté en janvier 2018, il a dû être libéré à cause d’un vice de procédure.
- Le juge d’instruction avait mal lu le dossier.
Huit ans après avoir été condamné par défaut, il est arrêté… puis libéré. Fin février, un Roubaisien soupçonné d’appartenir à un réseau international de trafic de drogues a échappé à la prison pour un vice de procédure peu banal. Que s’est-il passé ?
Cette affaire rocambolesque commence en 2007, à Lille, lorsqu’une information judiciaire est ouverte concernant un important trafic de drogue entre le Maroc, l’Espagne, les Pays-Bas, la Belgique et la France.
Un trafic de 150 kg de résine de cannabis
Entre novembre 2007 et mars 2008, une enquête liée à des écoutes téléphoniques permet la mise en examen de six personnes habitant Roubaix, Nantes, Madrid et Mouscron. Le trafic porte sur 150 kg de résine de cannabis réalisé en go fast.
L’organisation du réseau semble tourner autour de deux frères, dont l’un, N. Z., surnommé « Skippy », a déjà été condamné en 2004 pour violences en réunion. Or ce dernier, âgé à l’époque de 24 ans, a échappé à la vague d’arrestation.
Mandat d’arrêt international
En octobre 2009, lorsque le juge délivre son ordonnance de renvoi devant le tribunal des six prévenus, « Skippy » est toujours en cavale et fait l’objet d’un mandat d’arrêt international. Il sera néanmoins jugé par défaut et condamné à trois ans de prison ferme.
L’individu est finalement arrêté en Belgique, en janvier 2018 et remis aux autorités françaises pour y purger sa peine prononcée huit ans plus tôt. Parallèlement, « Skippy » demande à être rejugé et c’est en étudiant son dossier que son avocat, Me Damien Legrand, a détecté une erreur du juge d’instruction.
Un dossier scindé en deux
« En juillet 2009, un premier juge avait procédé à une disjonction de la procédure, c’est-à-dire qu’il avait clos une partie de l’affaire pour certains prévenus et demandé, en même temps, la poursuite d’investigations sur les autres suspects du dossier, faute de preuves suffisantes », explique Damien Legrand.
Ce qui signifie que le cas de « Skippy » était encore soumis à enquête lors du procès qui s’est tenu en décembre 2009 au tribunal correctionnel de Lille. Explication de l’avocat : « Le deuxième juge, qui a repris le dossier, l’a mal lu. Il n’a pas remarqué qu’il était scindé en deux. L’enquête supplémentaire, que le premier juge avait demandée, a été oubliée. C’est par erreur que ce juge a donc renvoyé tous les mis en examen devant le tribunal. »
Résultat, la condamnation concernant « Skippy » a été annulée et ce dernier a été remis en liberté, fin février. « Cette erreur est d’autant plus grossière, souligne l’avocat, que le dossier était traité par la juridiction interrégionale spécialisée (JIRS) de Lille, sorte de justice d’élite chargée de la lutte contre la criminalité organisée. »